Comment tuer son équipe en 10 leçons? Leçon Nº4: Les changer en machines à produire

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Une fois que vous aurez mises en application les trois premières leçons, il convient de commencer votre véritable travail d'anti-manager, à savoir la destruction de chacun des membres de votre équipe. La première étape pour cela consiste à leur ôter peu à peu leur humanité (concept qui pour tout bon anti-manager n’existe qu’au pluriel à l’université) et  à bien définir leur rôle de machine qu’il revient à vous de rentabiliser au maximum. L’anti-management pourrait presque se résumer en ces deux principes : les faire produire et les détruire. Explorons ensemble les bases de leur déshumanisation.


1- Mettre une pression constante pour la production

Il va de soi que pour en faire des machines, il faut qu’ils intègrent rapidement le fait que leur seul et unique rôle est de produire, le plus rapidement et le mieux possible, tout ce que vous leur demandez. Quelques suggestions pour cela :

Définissez la productivité et le cash comme valeurs phare de votre activité
Lors des « team meetings » ou de tout entretien avec eux-que vous saurez limiter  et ne pas inclure dans leur agenda car c’est une perte de temps- appuyez fortement le fait que ce qui compte,  c’est le produit fini et de qualité. Faites-leur comprendre que tant que vous n’avez pas sous la main le produit achevé et validé par vos standards, leur travail est inutile et donc inexistant. Qu’un jour où ils n’ont rien produit de tangible est un jour perdu. Ajoutez bien sûr une notion financière pour étayer vos propos, montrant combien ils vous coûtent –  toujours trop cher - par rapport à ce que leur production vous rapporte – jamais assez. Faites leur sentir leur responsabilité directe dans le manque de cash dont vous prétendrez souffrir de manière permanente. Un anti-manager doit sans cesse avoir à la bouche les termes de cash, de productivité, de rentabilité et de produits finis, afin que son équipe intègre peu à peu ces valeurs comme étant l’étalon de leur performance, et s’y abandonne.

Augmentez la cadence
Une fois qu’ils commencent à intégrer leur rôle d’ouvriers producteurs, ne leur laissez aucune chance de produire sereinement. Tout d’abord et comme expliqué dans la leçon Nº3, soyez le maitre absolu de leur agenda et de leur charge de travail. Qui doit largement dépasser ce que vous pensez qu’ils sont capables de faire, ce qui veut dire qu’ils ne doivent à aucun moment pouvoir tenir le rythme de productivité exigé. Il peut arriver que certains- mais cela est souvent révélateur de piètres compétences d´anti-management – gagnent en compétence et améliorent leur productivité. Augmentez donc immédiatement à la fois leur charge de travail et vos exigences.  De même, si vous sentez un signe qu’une tâche pourrait être effectuée efficacement, pointez du doigt le moindre défaut minime que vous pourriez y trouver et demandez à ce que le travail soit refait. De manière plus générale, augmentez subtilement la charge de travail de chacun pour leur reprocher leur perte graduelle d’efficacité. Et une fois de plus faites bon usage des problèmes supposés de cash pour justifier le « coup de collier» que vous exigerez d’eux chaque semaine. Vous êtes certain de les miner.

Maintenez-les sous stress
En plus de la quantité de travail, assurez-vous qu’ils travaillent dans des délais extrêmement courts. Pour cela acceptez ou même proposez d’envoyer au client ce qu’il demande- et même souvent ce qu’il ne demande pas- sous quelques jours ou heures. Puis, ayant pris soin de rappeler, problèmes de cash à l’appui, que c’est le client qui paye, exigez d’eux qu’ils tiennent les délais. Et, dans la logique de contrôle présentée précédemment, venez très régulièrement voir comment cela avance, exigez des points réguliers ou mettez les dans votre bureau pour augmenter la pression. Lorsque de telles contraintes externes n’existent pas, créez les en interne en décidant unilatéralement de leurs délais pour chaque tâche attribuée, et en posant comme règle d’or de la productivité le fait de « tenir ses délais ». Passez régulièrement un savon à ceux qui ne les tiennent pas, augmentant ainsi le stress de toute l´équipe. Et si certains arrivent à tenir leur délais au prix d’énormes efforts, resserrez les ou donnez leur plus de travail dans le même temps.  Pour faire monter encore la pression d’un cran, veillez à leur distiller tout au long de la journée des mini-tâches « urgentes » pour perturber leur rythme et leur faire prendre un shot de stress et une heure de retard. Si besoin faites de la rétention d’information ou ne vous rendez disponible pour contrôler le produit fini que très tardivement, obligeant des changements majeurs de dernière minute même aux plus organisés. Vous êtes alors certain de générer stress et frustration en quantité


2- Oublier le concept de vie privée 

Il n’existe dans l’anti-management qu’une seule vie : celle qui produit. Le reste, gardez bien cela en tête, n’a aucune espèce d’importance. Il est donc capital que votre équipe oublie jusqu’au souvenir de ce que peut être le respect de la vie privée et n’ait en tête que le travail et son retard tous les matins et tous les soirs.  Trois aspects pour cela :

Montrez que votre vie c’est votre travail
Tout bon anti-manager est naturellement asocial et se doit de cultiver cet aspect clé de sa personnalité.  Un anti-manager ne cherche pas avoir une vie en dehors de son travail- puisque cela n’a aucun intérêt- et passe donc le plus clair de son temps (un minimum de 16h par jour est recommandé) à travailler ou prétendre travailler. Votre équipe doit croire que vous êtes à tout moment du jour ou de la nuit connecté(e) et en activité (vu le contrôle unilatéral mis en place nul n’ira vérifier votre productivité).  Votre existence tourne intégralement autour de  votre quotidien professionnel et de votre pratique de l’anti-management, et il n’est pas question de chercher du plaisir ailleurs, vous savez parfaitement que vous ne le trouveriez pas.  Les anti-managers sont donc en général célibataires ou séparés (l’ex partenaire ayant depuis longtemps montré ses failles, que vous avez su exploiter jusqu’à contraindre sa fuite) et sans enfants car ils n’en ont jamais voulu (et si par malheur ils sont quand même venus le ou la partenaire les aura pris avec ses affaires en partant). Dans quelques rares cas, il s’agit là plutôt des femmes, vous avez des enfants à charge mais vous saurez, nounou à l’appui, vous émanciper totalement de toute responsabilité ou envie de passer du temps avec eux, limitant donc la contrainte évidente que ce type d’êtres représentent. Il est également tout à fait inutile de garder des amis proches, encore moins un groupe d’amis, car eux aussi ont depuis longtemps montré leur médiocrité et leur inutilité. Vous pourrez  maintenir un semblant d’amitié s’ils peuvent servir vos intérêts professionnels immédiats, mais gardez vos distances en prétendant être en permanence très occupé (e). Il doit être clair pour tous que votre existence est exclusivement consacrée à votre métier d’anti-manager.   

Agissez comme si votre équipe n’avait pas de vie
En conséquent, ne vous posez même pas la question de savoir quelle pourrait être leur vie privée, prenez pour acquis qu’à partir du moment où ils ont signés, leur vie, c’est vous. Il est donc clair que vous attendrez d’eux qu’ils travaillent autant que vous prétendez travailler, et si possible plus. Vous prendrez pour cela soin de rester aussi tard que possible au bureau (en faisant votre shopping de noël sur internet par exemple) ou de préciser si vous devez partir que cela ne signifie pas la fin de votre journée « je me reconnecte quand j’arrive chez moi ». Faites totalement fi des horaires « officiels » (embauchez les si possible au forfait cadre) et exigez d’eux une réactivité de tous les instants. Equipez-les des blackberry les plus performants dont vous vous assurerez qu’ils sont en permanence allumés en les appelant à la première occasion « je voulais simplement te parler d’un projet auquel j’ai pensé ce soir». Envoyez des mails dès 6h du matin et jusqu’à 1h le matin suivant, week-end compris, en leur posant des questions et en leur demandant de vous envoyer d’urgence des documents- en particulier si vous pensez qu’ils n’ont pas pris leur ordinateur avec eux, ce qui donnera lieu à une remise à l’ordre immédiate.  Donnez leur des tâches le soir et le vendredi en partant « je veux ce document terminé sur mon bureau quand j’arrive demain »,  « Débrouille toi pour que ce soit prêt pour lundi à 10h ». Relancez-les plusieurs fois par mail et n’hésitez pas si vous le pouvez à imputer publiquement l’échec d’un projet potentiel au refus « inacceptable » de rester travailler une nuit de plus. Si besoin est, pour calmer l’exaspération des abonnés aux nocturnes, offrez leur des sushis et dites leur, magnanime, de commander un taxi. Cela vous assurera de nombreuses autres de leurs nuits. Et ce travail de sape portera ses fruits.

Gâchez leur vie privée
Si d’aventure certains parviennent à maintenir un semblant de vie privée, attachez vous à l’infiltrer et la miner insidieusement. Dès que vous pouvez, interrompez leur travail en fin de journée et retardez leur départ du bureau en racontant en détail votre vie. Appelez-les tard le soir pour leur parler d’un sujet qui ne les concerne pas (comme vos inquiétudes par rapport à un autre membre de l’équipe) et tenez-leur la jambe au moins une demi-heure, ils n’oseront pas raccrocher. Empêchez-les de prévoir des sorties pendant la semaine en prévenant chaque lundi que « cette semaine on a énormément de retard à rattraper, prévoyez de faire des nocturnes ». Lorsqu’un gros projet doit être réalisé dans un délai très court, exigez qu’ils annulent leur week-end en amoureux ou en famille pour rester au bureau avec vous, quitte à seulement regarder les autres travailler. Et surtout ne vous préoccupez jamais de leur santé ou de leur bien-être, en particulier s’ils cherchent à prendre des vacances que vous n’avez pas planifiées vous-même « vous prendrez tous au moins 3 semaines en Août et 2 semaines à Noël ». De même, découragez les pauses sportives « tu es parti pendant une demi-heure ce midi pour aller courir, où sont les modifications que je t’avais demandé ? », si besoin en fixant les règles du jeu « désormais c’est moi qui décide de vos RTT,  et vous poserez des demi-journées pour aller faire du sport ». Et lorsque vous apprenez leur rupture amoureuse due à leur manque de disponibilité, emmenez les diner en leur disant que ce partenaire n’était pas fait pour eux et les freinait dans leur carrière. Puis donnez-leur de nouvelles tâches pour qu’ils s’oublient dans le travail. Rien de plus efficace pour les faire craquer physiquement et moralement.


3- Nier leur humanité

Au-delà de refuser leur vie privée, il faut aller encore un peu plus loin pour répondre aux exigences de l’anti-management : il est nécessaire de chercher à leur ôter le statut d’humain pour en faire de pures machines que vous saurez user jusqu’à la corde. Deux suggestions pour cela:

Déshumanisez la relation
Au-delà d’éviter les relations adulte-adulte comme vu dans la leçon Nº2, il est important d’enlever tout affect réel de vos relations avec eux. Si vous pouvez et devez pour les manipuler faire montre d’un certain nombre d’émotions (négatives en particulier) et partagerez généreusement des éléments de votre vie pour leur faire perdre du temps, refusez-leur la possibilité d’exprimer les leurs. Ne cherchez donc pas à savoir comment se passe leur vie-puisque vous faites l’hypothèse qu’ils n’en ont pas- ou comment ils se sentent dans telle ou telle tâche. Montrez leur bien que l’humain n’a pas sa place dans le monde professionnel. Et si d’aventure ils pleurent devant vous suite à une série de reproches violent qu’ils auront amplement mérités, ne faites preuve d’aucune compassion et dites leur froidement « si je peux te donner un conseil pour ta vie professionnelle, ne pleure pas ». Faites leur bien comprendre que vous n’êtes pas et ne serai jamais leur ami(e), et qu’avoir des émotions est une faiblesse dont vous n’avez aucune pitié, bien que vous chercherez activement à les provoquer. D’une manière plus générale, montrez que l’humanité qui ne vous sert pas n’a aucune valeur à vos yeux, et prenez vous en régulièrement devant eux aux chauffeurs de taxi, femmes de ménages, serveurs ou autres fournisseurs, piétaille pour qui vous avez le plus profond mépris. Ils sauront à quoi s’en tenir.

Faites en des clônes
Puisque votre objectif est de tuer votre équipe, vous ne chercherez surtout pas à donner aux spécificités de chacun de ses membres la moindre possibilité de s’exprimer. Les tâches qu’ils doivent accomplir et le résultant attendu étant sous votre contrôle total, l’identité propre de celui qui les exécute n’a aucune espèce d’importance et ne doit en aucun cas se traduire dans son travail. Veillez donc à ce que les produits finis soient d’une standardisation et d’une uniformité exemplaire, niant de manière absolue la personnalité de leur auteur (sauf s’il s’agit de la vôtre, auquel cas le produit en débordera). Pour un bon anti-manager, le seul rendu qui vaille est celui qui pourrait venir de lui ou elle-même. Expliquez donc à votre équipe comment ils doivent penser, comment ils doivent raisonner et comment ils doivent s’exprimer. En vous prenant comme exemple bien entendu. Découragez donc systématiquement, et punissez s’il le faut, toute tentative de s’émanciper des codes stricts –mais jamais clairement élucidés- de production. N’hésitez pas à aller jusqu’à critiquer leur style vestimentaire ou leur langage pour qu’ils se conforment rapidement.  Et découragez d’une manière générale toute initiative, sauf si elle permet d’augmenter directement la productivité sans menacer votre contrôle. Mais reprochez-leur régulièrement de ne pas avoir d’idée quand vous leur demandez spontanément d’en produire une liste devant vous. Vous les verrez s’effacer et s’éteindre peu à peu.



En appliquant cette leçon et ses différents principes,  il est certain que vous obtiendrez rapidement de véritables robots, hagards, exécutant machinalement mais frénétiquement vos tâches sans avoir le loisir de réfléchir ou de s’écouter. Vos fourmis ouvrières seront alors corvéables à merci. Et il vous sera d’autant plus facile de les écraser qu’elles seront remplaçables.

Comment tuer son équipe en 10 leçons? Leçon Nº3: Etre en contrôle permanent

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A présent que l’autorité absolue est établie, c’est le contrôle permanent qu’il faut instaurer et accentuer, condition nécessaire à la mise en œuvre de votre plan d’anti-management. Un bon anti-manager doit absolument être à tout moment au fait des gestes de son équipe, et demeurer le centre névralgique de leurs actions, dont pas une ne sera laissée au hasard.  Et cela ne peut se faire qu’avec le plus strict respect de certaines règles de base détaillées ci-dessous. Je me permets d’insister sur le besoin de scrupuleusement suivre ces règles et ne jamais relâcher le contrôle si vous ne souhaitez pas voir vos efforts anéantis. 


1- Ne déléguer aucune responsabilité:

Il est évident que si l’anti-manager excelle dans la délégation systématique de toutes les tâches rébarbatives ou délicates-votre équipe est là pour produire, vous pour détruire- il ou elle sait également ne jamais déléguer de responsabilité réelle sous la moindre forme que ce soit. A ce titre, trois règles clés:

Prenez toutes les décisions
Le pouvoir de décision doit demeurer votre prérogative absolue. Prenez de manière ostentatoire vous-même la moindre décision (et ce quelle que soit son importance- du prix d’une mission au rachat de papier toilette- car il s’agit d’un principe) et veillez à bien faire savoir qu’une décision prise sans votre accord est une faute grave. Si cela peut vous servir omettez de préciser « accord écrit », ce qui vous permettra de les accuser si d’aventure une décision prise en accord oral par votre équipe s’avérait mauvaise.  Vous pouvez à l’occasion demander conseil au sujet d’une décision,  mais exclusivement pour mieux vous approprier l’idée suggérée si elle est pertinente ou pour rejeter le blâme sur celui qui l’a produite si elle ne l’est pas. C’est toujours vous qui avez le point final.

Soyez dans tous les projets
La conséquence logique de ce premier point est votre omniprésence sur tous les projets, faute de quoi il vous faudrait leur laisser la capacité de décider eux-mêmes. Or votre équipe n’est pas capable d’autonomie- vous pouvez si besoin vous en persuader en leur laissant mener un projet seul, vous verrez vite qu’ils arrivent à un résultat différent du vôtre, donc par définition mauvais. Par conséquent, assurez-vous que vous êtes derrière chaque projet, et contrôlez son bon déroulement tâche par tâche. Tout en donnant l’illusion de vous concentrer sur des tâches « à haute valeur ajoutée », immiscez vous subrepticement dans chaque groupe de travail, dans les réunions, demandez à être en copie de chaque mail, et restez au centre de chaque décision concernant le projet, dont vous aurez le soin de modifier régulièrement les tenants et les aboutissants.

N’accordez votre confiance qu’en cas d’échec
Ne montrez aucun signe de confiance quand à la capacité d´autonomie de votre équipe. Ne les responsabilisez surtout pas en leur donnant carte blanche sur un projet, cela aurait des conséquences catastrophiques sur votre autorité. L’anti-management recommande cependant, si vous êtes absolument certain(e) de leur échec futur dans la tâche confiée, de feindre une confiance totale pour les laisser libre d´échouer.  En particulier lorsque vous pensez échouer dans une tâche, donner leur le panache blanc et laissez les partir au charbon pour vous. Vous pouvez même aller un cran plus loin en leur refusant votre temps ou votre aide sous prétexte qu’ils sont « responsables », précipitant ainsi la probabilité de leur chute. N’omettez jamais d’en faire publiquement des coupables lorsque l´échec surviendra.


2- Etre le maitre de l’information:

Celui qui contrôle c’est celui qui sait. Tout bon anti-manager doit donc parfaitement maitriser l’information qui circule au sein de son équipe, et s’assurer qu’il est au centre de tout flux d’information, qu’il peut endiguer à souhait. Pour cela trois recommandations :

Cherchez à savoir tout sur tout…
Il est capital que vous soyez informé en temps réel non seulement du quotidien officiel de votre société dans son ensemble mais également des faits et gestes de chaque membre de votre équipe. Rien de ce qu’ils font, disent, produisent et même pensent ne doit vous échapper. Plus vous en saurez sur eux et mieux vous les contrôlerez. Pour cela il est extrêmement important de savoir recueillir non seulement un maximum d’informations officielles, en exigeant d’être en copie de toute communication, en contrôlant chacune de leurs productions, en demandant un rapport journalier précis et détaillé par écrit des activités de chacun, mais aussi en collectant des informations officieuses, par exemple en ayant des conversations « anodines » en aparté avec les différents membres de l’équipe, en surprenants (ou épiant) les discussions de couloir ou en lisant les mails ou leurs notes par-dessus leur épaule. Un moyen efficace de parvenir à extorquer ce genre d’information consiste à faire semblant de vous intéresser à votre équipe et à leurs ressentis, en leur demandant par exemple d’un air compréhensif leur opinion sur telle ou telle autre personne. Recueillez des informations personnelles et notez tout. Récompensez discrètement chaque geste de véritable délation en feignant une confiance accrue avec les plus loquaces. Si besoin sortez du cadre professionnel en les emmenant boire ou manger avec vous un soir. Faites les boire en prenant soin de vous contrôler et glissez quelques confidences pour mieux en recevoir. Là encore ayez soin de tout garder en mémoire, cela vous servira toujours plus tard.

…mais gardez-le pour vous
Ce point est clé. Le pouvoir résidant dans la différence d’information, vous ne pouvez pas vous permettre de faire librement circuler les informations qui pourraient être utile à votre équipe pour s’émanciper de votre contrôle. Mettez donc en place un système d’information extrêmement centralisé et dont vous êtes le pivot.  Un bon anti-manager fait de la rétention d’information en permanence. Sous couvert de confidentialité, découragez la circulation d’information sur les différents projets en cours ou sur la situation générale de la société (hormis le fait qu’elle se porte mal à cause du manque d’efficacité de votre équipe). Ne donnez aucune information, ou la plus vague possible, sur votre stratégie à long terme, ou sur les raisons qui justifient vos décisions. Limitez la formation initiale de votre équipe et lorsque vous leur confiez une tâche, ne vous étendez pas sur le sens de celle-ci, fournissez le strict nécessaire à sa réalisation. Et de temps en temps omettez de fournir une ou deux informations clés afin de les mettre en échec puis de leur reprocher de n’avoir pas d’eux-mêmes cherché cette information.

Modifiez l’information à loisir
Tout anti-manager est bien conscient que dire la vérité, comme toute optique de transparence, représente un danger, et que la vérité reste une notion relative. Il est donc fortement recommandé de faire usage de mensonges et de mauvaise foi chaque fois que la situation pourrait vous causer du tort, par exemple lorsqu’une erreur pourrait vous être imputée.
N’hésitez pas si besoin à nier vos paroles ou actions antérieures-si elles n’ont pas de trace écrite, à revenir sur vos décisions ou à distordre la réalité, « j’étais coincée dans un call tout l’après-midi », « non je n’ai pas reçu ton mail, il a dû aller dans mes spam», « ca ne me prend pas plus d’une heure d’écrire ce document, pourquoi tu es dessus depuis trois heures? ».
Attachez-vous également à faire circuler des rumeurs ou à faire des confidences, chaque fois sous le sceau du secret pour éviter des recoupements internes, au sujet d’un membre de l’équipe « hier elle a fait une crise de nerf et s’est effondrée en larmes au bureau », « je pense qu’il a des problèmes d’argent », « il ne produit rien en ce moment, il m’a dit qu’il se trouvait lent par rapport aux autres » etc. Cela vous permettra de contrôler les relations au sein de l’équipe et surtout d’obtenir en retour des confidences au sujet de ses membres-que vous veillerez à déformer avant de les colporter.
Bien entendu détruisez entièrement toute information réelle ayant trait aux personnes qui ont quitté l’entreprise et étalez-vous longuement sur les motifs ou conditions « officielle » de leur départ « son fils allait mal », « sa mère avait des problèmes de santé », « elle était bipolaire » etc. Vous apprendrez dans une prochaine leçon à leur forger efficacement une mauvaise réputation.


3- Micromanager:

La théorie de l’anti-management est sans ambigüité sur ce point : il faut contrôler de manière millimétrique et systématique chaque étape de la production de vos subordonnés. C’est une des méthodes les plus efficaces sur le long terme pour tuer une équipe, donc fournissez tous les efforts possibles pour y parvenir.

Fixez unilatéralement leur planning
Pour vous assurer de contrôler efficacement leurs activités, prenez soin de fixer vous-même leurs activités, leurs projets et leurs deadlines. Décidez de comment vous répartissez les tâches, de qui doit faire quoi et quand etc.  Nul n’est mieux placé que vous pour savoir à quel rythme ils doivent produire, à eux ensuite de s’y adapter. Créez leur to-do list et mettez là en ligne afin de pouvoir surveiller sa progression. Ne vous arrêtez évidemment pas lors de son élaboration aux considérations liées aux temps légaux du droit du travail ou aux contraintes personnelles de votre équipe, d’une part cela n’a aucune importance, d’autre part il est souhaitable qu’ils ne puissent pas atteindre les objectifs que vous leur fixez, faute de quoi ils pourraient penser qu’ils sont compétents. Par contre prenez soin de les responsabiliser en apparence en leur demandant comment ils comptent s’organiser pour respecter ces délais. Exigez d’eux qu’ils découpent le plus finement possible chaque tâche donnée, ainsi que le temps qu’ils pensent y allouer et la date à laquelle ils vont vous livrer le produit intermédiaire ou final.  Veillez donc à ce qu’ils vous fournissent un agenda prévisionnel de chaque journée intégrant vos exigences, ce qui vous permettra de le modifier  s’ils sont trop réalistes et de justifier les tâches supplémentaires que vous ne manquerez jamais d’ajouter à leur to-do list afin de leur reprocher à la fin de la journée de ne pas savoir gérer leurs priorités et d’être inefficaces.

Contrôlez systématiquement toute production
Une fois leur planning sous contrôle, exigez d’eux qu’ils vous fassent valider la moindre production au fur et à mesure de son élaboration. Relisez et corrigez systématiquement, ne serais ce que pour la forme. Ordonnez de faire des modifications sur chaque document qu’ils ont produit afin de justifier ces nombreuses itérations. Assurez-vous d’être ainsi régulièrement le goulot d’étranglement de leur travail, afin de les bloquer pour avancer et de leur reprocher ensuite leur manque d’efficacité. Bien entendu ne corrigez jamais vous-même, mais prenez le temps de leur signaler en détail tout ce qui ne va pas dans leur travail, en restant vague sur la correction attendue. Cela est certes chronophage, mais une stratégie payante. Au-delà de la frustration permanente que cela engendrera sans faute, cela vous permettra de contrôler – et punir le cas échéant-  qu’ils ont bien intégré chacune de vos modifications.

Soyez constamment derrière leur dos
Enfin, et en sus d’exiger un rapport d’activité quotidien avec en PJ tous les produits finis ou avancés ce jour, il est capital de contrôler physiquement la production. Tout anti-manager sait parfaitement qu’au moindre relâchement ils arrêteront de produire, réfléchirons, parlerons entre eux et deviendront un danger. Installez-vous donc régulièrement au milieu de leurs bureaux, regardez par-dessus leur épaule et demandez à de courts intervalles où ils en sont-en exigeant des preuves. Si besoin faites-les même travailler en face de vous, en particulier si vous pensez qu’ils ont des chances de faire une erreur. Rien de tel qu’un faux pas commis sous vos yeux pour ensuite les mettre au pilori. Si d’aventure vous vous absentez physiquement, veillez à maintenir un tir serré de mails exigeant d’abord le programme de leur journée puis demandant l’avancement de chaque projet heure par heure. Envoyez alors des commentaires et des corrections à passer par mail, si possible de manière désordonnée afin d’augmenter la probabilité qu’ils en oublient une, ce que vous pourrez alors leur reprocher facilement.


NB: Tout cela n’empêche pas de donner à votre équipe un semblant de liberté ou de relâcher votre contrôle lorsque cela permet une faute dont vous saurez faire bon usage par la suite, mais toujours de façon parfaitement calculée et maitrisée. Par contre cela ne suppose absolument pas de vous contrôler, l’essence même de vos qualités d’anti-manager résidant dans votre incapacité totale à faire preuve d’autocontrôle.

Si vous appliquez à la lettre les trois premières leçons d’anti-management, les premiers signes de faiblesse devraient commencer à apparaitre au sein de l’équipe au bout de quelques semaines. Vous laissant champ libre pour mieux les épuiser.

Comment tuer son équipe en 10 leçons? Leçon Nº 2 : Etablir une relation parent-enfant

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Une fois les bases d’une supposée confiance établies –voir leçon précédente- un deuxième aspect permettant de pérenniser son autorité est sans nul doute le type de relation que vous allez instaurer avec votre équipe. Et sur ce sujet tous les anti-managers concordent : il est impératif d’assurer que toute interaction sera de l’ordre du parent-enfant et jamais de l’adulte-adulte. L’anti-management ayant pour postulat de base votre supériorité naturelle sur l’équipe et une distance humaine aussi grande que possible entre vous et chacun de ses membres, chercher à avoir des relations d’adulte avec eux n’a aucun sens, et l’éviter devra  être votre priorité. Notez bien que dans le terme « parent-enfant », l’ordre n’est pas spécifié, vous laissant donc le choix de prendre successivement l’un ou l’autre des rôles, pourvu que jamais vous n’arriviez à l’équilibre qui déstabiliserait irrémédiablement votre assise.
Pour instaurer ce type de relation, quelques règles d'anti-management simples:


1- Les prendre au berceau :
Il va de soi que plus la différence d’âge entre l’anti-manager et son équipe est importante et plus il ou elle aura de facilité à instaurer une relation de type parentale avec eux. Il est donc préférable de choisir une équipe ayant au moins 15 ans d’écart avec vous et moins de 5 ans d’expérience professionnelle, autant que possible dans un domaine autre que le vôtre.
Le premier point vous permet à la fois de valoriser vos années d’expérience supplémentaires comme un argument indéniable au soutien de vos paroles, choix et actions, vous prémunissant ainsi d’une remise en question stérile puisque vous avez de toute façon raison, et d’être associé dans leur inconscient au « parent » en termes de génération, et au respect qui l’accompagne.
Le second point vous donne le rôle naturel de mentor, puisqu’ils ont besoin de vous pour comprendre non seulement comment fonctionnent le domaine dans lequel vous évoluez et vos méthodes propres, mais également pour comprendre les règles d’un monde qu’ils n’ont pas ou peu côtoyé. L’anti-management insiste fortement sur le nombre limité d’années d’expérience antérieures : en étant celui ou celle qui leur livre les clés du monde du travail « en général »  et en n’épargnant pas les leçons de morales et anecdotes- vraies ou fausses- corroborant vos actes, vous vous placez en véritable père ou mère spirituel qui va définir leur vision du monde du travail, vous laissant ainsi champ libre pour y instiller les valeurs et les règles qui vous servent. Moins ils ont de comparaison- ils pourraient avoir connu auparavant un piètre anti-manager leur donnant l’illusion qu’il était possible de s’épanouir au travail- mieux votre équipe se comportera.


2-  Les infantiliser :
Subtilement puis de plus en plus ouvertement, votre rôle d’anti-manager va être de leur donner le rôle de l’enfant en prenant celui du parent. Pour cela trois méthodes éprouvées :

Adressez vous à eux comme à des enfants :
Adoptez tour à tour un ton patient et pédagogue lorsque vous leur expliquez quelque chose la première fois- sans être vraiment bienveillant et surtout sans leur donner de perspective sur la tâche et son contexte, c’est inutile à leur niveau-  puis moralisateur et docte lorsqu’ils ne comprennent pas, enfin un ton sévère et plein de reproche lorsqu’ils font une erreur. Utilisez également le vocabulaire adapté, du « c’est bien, tu progresses» (au tout début), à « mais pourquoi tu as fait ça ? Enfin je ne comprends vraiment pas, je t’ai pourtant expliqué cela plusieurs fois ! » en terminant par « alors là ça ne va pas du tout, je suis très en colère, ce que tu m’as rendu est vraiment nul ». Ajoutez à cela l’attitude et le visage de circonstance, en jouant sur la gamme qui va du sourire condescendant au rictus ironique et aux sourcils froncés. Chacun de ces éléments les replongera immédiatement dans les affres de leur enfance, vous associant inconsciemment à leur père ou leur instituteur trop sévère, leur mère ou leur grand-mère trop exigeante, et vous serez alors à même d’obtenir d’eux ce qu’ils cherchaient désespérément à offrir à ces figures d’autorité : prouver leur valeur pour recevoir de l’amour ou de la reconnaissance.

Jouez de la récompense et de la punition:
 Mettez leur dès le début en tête qu’ils obtiendront votre reconnaissance et une récompense pour leurs produits finis de qualité parfaite (veillez à placer la barre extrêmement haut, bien au-delà des exigences que vous vous appliqueriez à vous-même) et dans les premiers temps, suggérez comment vous pourriez les gâter au moindre succès : invitez les dans de grands restaurants lors de leur arrivée, payez le champagne pour célébrer la première étape franchie avec succès, laissez les partir plus tôt « pour un repos bien mérité » après les premières nocturnes enchainées, etc, toujours en appuyant le fait que votre satisfaction dépend de leur production mais sans précisément fixer les règles de cette satisfaction- vous laissant ainsi le luxe de l’ajuster régulièrement vers le haut.
Dès que vous sentez un certain relâchement dans la recherche perpétuelle de cette perfection-s’ils font moins de nocturnes, ne travaillent pas le week end etc- changez de discours et passez à la menace. Comme le père secoue sa main devant ses enfants désobéissants en annonçant la gifle, usez de votre autorité pour leur faire sentir que vous avez le pouvoir de nuire s’ils ne filent pas doux, «si vous n’êtes pas capable de tenir vos délais, je vais prendre des mesures ! ». 
Mettez bien entendu vos menaces à exécution en prenant des mesures infantilisantes, comme soumettre votre équipe à une interrogation écrite le lundi matin pour vérifier qu’ils ont bien lu les documents distribués, exiger d’eux qu’ils fassent à la main chaque graph qu’excel pourrait sortir en quelques clics, s’asseoir à côté d’eux et regarder comment ils travaillent etc. Ce genre de punition dissuadera rapidement toute tentative de résistance tout en augmentant votre pouvoir de nuisance.

Grondez-les pour la moindre bêtise:
A la moindre occasion, que votre exigence en constante croissance fournira rapidement, faites-leur sentir qu’ils ont fait une bêtise et grondez-les. Soyez subtil là aussi, il faut au départ pour maintenir l’illusion de votre confiance et de votre magnanimité accepter une ou deux petites erreurs que vous allez simplement corriger sur un ton ferme et légèrement impatient, mais sans vous emporter. Par contre assez rapidement trouvez une occasion de sortir de vos gonds et de les réprimander violemment, si possible devant témoin pour accentuer l’effet. Sans leur expliquer précisément leur faute-ils sauront bien trouver en eux-mêmes une faiblesse qui pourrait mériter ces réprimandes, faites leur comprendre qu’ils ont très mal agi, qu’ils vous ont déçu et qu’ils ont énormément baissé dans votre estime, ôtant ainsi toute possibilité de reconnaissance de votre part sans rédemption profonde. Vous pourrez au choix utiliser un ton glacial et coupant, lacérant méthodiquement leur travail et leur ego en leur faisant bien sentir qu’ils n’ont rien compris à la vie et que vous leur faite un cadeau de les remettre sur les rails en leur parlant ainsi, ou un ton emporté et direct, giflant sans ménagement leur amour-propre et leur sensibilité sans leur laisser la moindre chance de se défendre. Il va de soi qu’il ne s’agit pas de leur permettre de se justifier, prenez donc soin de ne pas les laisser s’exprimer. Jouez seulement sur la corde de la peur et de l’amour propre en leur faisant sentir qu’ils ne valent plus rien à vos yeux- vous le seul juge qu’ils estiment impartial dans leur  travail. S’ils pleurent tant mieux, mais ne leur laissez pas le plaisir d’exprimer leur émotion devant vous-ce qui est une forme de communication et de défense. Enfoncez le clou de leur faiblesse en leur demandant de ne pas pleurer devant vous. Par contre lorsque vous les abandonnez au fond du gouffre, il est impératif pour l’anti-manager de revenir rapidement à la normale, en souriant et en étant d’humeur égale, montrant bien que vous avez un parfait contrôle de vos émotions quand eux en sont incapables. Et qu’ils peuvent reprendre le travail avec vous immédiatement comme si de rien n’était. Leur rancœur et leur colère, étouffée, ne pourra donc que se tourner vers eux-mêmes dans une dynamique d’autodestruction sur laquelle nous ne saurions trop insister.


3- Jouer l’enfant terrible :
S’il se présente des occasions où le rapport de force avec votre équipe pourrait s’égaliser- comme une erreur que vous auriez commise et qu’ils auraient détectée ou une période sans trop de fautes importantes de leur part, un bon anti-manager doit pouvoir sans hésitation endosser le rôle de l’enfant. Quelques suggestions pour y parvenir efficacement :

Faites des caprices:
Donnez leur des ordres irrationnels et implacables pour les pousser à bout dans leur travail : demandez par exemple de modifier un document puis, en cas d’erreur de votre part et plutôt que de l’admettre, prétendez avoir changé d’avis « finalement reviens à la version précédente, c’était mieux, mais ajoutes aussi ceci et cela » et, pour ne pas leur laisser la possibilité de réfléchir à votre responsabilité, reprochez-leur leur manque d’efficacité à cette occasion « ce document aurait dû te prendre deux heures, quand auras tu fini ?». Lorsqu’ils sont mûrs, ce genre de comportement irrationnel ne pourra que les affaiblir davantage.

Boudez:
Si vous avez la moindre raison de craindre une discussion sérieuse avec un membre de l’équipe suite à un accrochage, boudez. Restez dans votre bureau en refusant tout dialogue, renvoyez-le s’il frappe et ne répondez pas à ses mails sauf pour exiger le travail qu’il vous doit. Il finira par se lasser ou par vous donner une raison de le gronder et donc de remettre le dialogue dans le bon contexte.

Piquez des crises:
En désespoir de cause, lorsque vos efforts d’anti-management se sont légèrement relâchés et que vous sentez un vent de remise en question de votre autorité, piquez des crises de rage démesurées. Au moindre pas de travers d’un membre de l’équipe- un document pas imprimé pour une réunion, une faute de traduction etc, évitez à tout prix toute discussion constructive : au contraire, hurlez sur toute l’équipe quelques phrases irrationnelles et blessantes, prenant à parti la personne initialement responsable «Y en a un je ne sais pas à quoi je le paye, vous êtes tous nuls, j’en ai marre, je vais tous vous virer! » avant de sortir en claquant la porte. Revenez comme si de rien n’était quelques minutes plus tard. La personne ayant involontairement déclenché ce cataclysme s’en remettra difficilement, les autres ne sauront  plus à quoi s’en tenir.


Ce caractère imprévisible de vos relations vous assure un ascendant majeur sur eux puisqu’ils feront tout ce que vous exigez pourvu que cela prévienne une nouvelle « crise ». Et amène un dérèglement émotionnel des membres  de votre équipe lié au stress inhérent à cette situation, terreau fertile à leur élimination programmée, à laquelle vous allez pouvoir vous consacrer.


Comment tuer son équipe en 10 leçons? Leçon Nº1: Amadouer pour mieux régner

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Le présupposé fondamental de l’art de l’anti management, celui qui vous permettra de mettre en application ses principes, consiste à asseoir et maintenir une autorité absolue sur votre équipe. Si la grande majorité des anti-managers assoient leur autorité de manière aussi naturelle que brutale, ce qui a le mérite d’être rapide et efficace, cela nécessite toutefois un charisme et une présence physique dont sont souvent dépourvus les maitres de l'anti-management. Ceux-ci, peu gâtés par la nature- petits, chétifs ou corpulents, décrépis ou défraichis avant l'heure- ont mis au point des processus aussi subtils qu'efficaces pour asseoir leur autorité. 

Voici quelques clés pour vous permettre de vous approprier et de mettre en pratique ces processus- parfois contre-intuitifs :


1- Avoir un prix d’entrée dans l’équipe élevé :
Il est extrêmement important que chaque membre de l’équipe comprenne l’honneur que vous lui faites en lui permettant d’y entrer. Plus le prix d’entrée paraitra haut et plus votre pouvoir sur l’équipe sera grand. Une personne valorisée est une personne vulnérable, notez le bien.
Pour cela plusieurs moyens, que vous êtes encouragé à combiner:

Faire partie d’une société extrêmement sélective qui communique de manière extensive sur le fait qu’elle ne compte parmi ses rangs que la crème de la crême (c'est-à-dire autant que possible des clones du diplômé d’une des meilleures écoles de commerce ou d’ingénieur, blanc, français, cultivé, catholique, hétéro et de droite- de préférence un homme). Ce qui implique de ne poster les offres que sur Manageurs.com et de refuser d’entrée de jeu tout ce qui ressemble à un parcours un peu exotique. Vous n’êtes pas là pour faire du social et intégrer le rebut de la société.

Mettre en place un processus de sélection complexe, aussi opaque que long, où les candidats ont au moins trois tours à passer, avec études de cas, questions pièges et autres tests visant à écrémer les « originaux » que votre vigilance aurait laissé passé. Montrer que vous êtes sans cesse en recrutement mais en ne recrutant que très rarement est également recommandé pour attiser l’ego des « happy fews ».

Proposer des salaires au dessus de ce que le candidat demande. Il demande 50, offrez 55. Ou 60. Tout le monde ne peut pas se le permettre mais cette stratégie augmente encore pour le nouvel entrant la perception de sa valeur à vos yeux et le coût de son départ, ce qui encore une fois est un élément clé de votre ascendant sur cette personne.



2- Montrer un semblant de sollicitude les premiers jours:
Ce deuxième élément est certainement celui qui vous demandera le plus d’effort car il est très peu naturel. Le terme sollicitude est difficile à entendre je le conçois. Cependant la théorie de l’anti management veut que la gentillesse initiale endorme la méfiance et la capacité de résistance, vous permettant d’avoir une prise bien plus solide sur votre équipe dans le futur.

Attention, il ne s’agit pas de vous intéresser à leurs vies ou de chercher une amitié, il s’agit simplement d’avoir une attitude apparente de protection et de générosité tout en leur montrant votre exigence. Restez ferme et dirigiste bien entendu. En effet un nouvel arrivant, vous trouvant bienveillante, se jettera plus vite dans la dynamique d’exécution immédiate de vos ordres sans aucune tentation de les remettre en question. Vous pourrez également obtenir d’eux la révélation de leurs faiblesses que vous saurez noter pour une exploitation future.


3- Booster l’égo des nouveaux arrivants:
Ce dernier élément est également contre-intuitif mais rassurez-vous, ces efforts ne sont pas amenés à durer car ils portent leurs fruits rapidement. Il s’agit ici d’encenser les nouveaux arrivants, de les encourager, de leur faire croire qu’ils sont la pépite de votre équipe. Donnez leur immédiatement des responsabilités et des tâches, sans les former le moins du monde.

Assurez-vous qu’ils ont le moins de support possible pour commencer leur travail. Et dès la première tâche qu’ils accomplissent tant bien que mal, quel que soit son résultat, félicitez les, prenez les à part et dites leur combien vous êtes content d’eux, combien ils vous étonnent en bien, combien vous voyez si bien leur potentiel et le plaisir que vous en retirez. Les premières émotions qu’ils doivent ressentir est un mélange de fierté et de gratitude à votre égard.

N’hésitez pas à appuyer les éléments indéniables de leur véritable intelligence, comme l’école qu’ils ont faite, la bonne éducation qu’ils ont reçue, leur expérience professionnelle au sein d’un grand groupe reconnu pour son sérieux, etc. Ils n’auront alors plus aucun doute sur leurs capacités intrinsèques ni sur le fait que vous les admirez.

Pour ceux d’entre vous – et cela peut se comprendre- que ce genre de comportement « positif » hérisse, sachez que tout nouvel arrivant sera naturellement prêt à tout pour montrer sa valeur, donc vous ne devriez pas trop avoir à redire sur leurs débuts. Il suffira de leur dire la vérité de manière un peu exagérée et prématurée pour obtenir l’effet souhaité.

Vous pouvez en dernier recours utiliser l’option, beaucoup plus facile,  d’une comparaison positive avec les membres sortant- ou en voie de sortie- de l’équipe en appuyant sur leurs lacunes dont vous n’aurez aucun mal à vous souvenir. Soulignez cela par un comportement adapté en étant sec et sévère avec les anciens et mielleux et doux avec les nouveaux.  Vous éviterez par cela, et c’est capital, que les possibles médisances des « anciens » puissent influencer leur opinion de vous. Ils sauront qu’ils sont différents et meilleurs et se méfieront donc des autres.

Ainsi vous pouvez en l’espace de quelques semaines créer cette sensation qu’ils sont naturellement extrêmement doués pour leur poste et surtout établir une relation de dépendance à votre jugement.

C’est alors que vous pourrez passer à la seconde étape. Plus rude sera la chute, plus fort sera votre pouvoir.


NB : en cas d’arrivée concomitante de plusieurs nouveaux, arrangez vous pour leur tenir à chacun le même discours mais de manière séparée et en leur demandant la discrétion sur ce point. Ils vous l’accorderont si vous suivez bien les principes susmentionnés.