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A présent que l’autorité absolue est établie, c’est le
contrôle permanent qu’il faut instaurer et accentuer, condition nécessaire à la
mise en œuvre de votre plan d’anti-management. Un bon anti-manager doit
absolument être à tout moment au fait des gestes de son équipe, et demeurer le
centre névralgique de leurs actions, dont pas une ne sera laissée au
hasard. Et cela ne peut se faire qu’avec
le plus strict respect de certaines règles de base détaillées ci-dessous. Je me
permets d’insister sur le besoin de scrupuleusement suivre ces règles et ne
jamais relâcher le contrôle si vous ne souhaitez pas voir vos efforts anéantis.
1- Ne déléguer aucune responsabilité:
Il est évident que si l’anti-manager excelle dans la
délégation systématique de toutes les tâches rébarbatives ou délicates-votre
équipe est là pour produire, vous pour détruire- il ou elle sait également ne
jamais déléguer de responsabilité réelle sous la moindre forme que ce soit. A
ce titre, trois règles clés:
Prenez toutes les décisions
Le pouvoir de décision doit demeurer votre prérogative
absolue. Prenez de manière ostentatoire vous-même la moindre décision (et ce
quelle que soit son importance- du prix d’une mission au rachat de papier
toilette- car il s’agit d’un principe) et veillez à bien faire savoir qu’une
décision prise sans votre accord est une faute grave. Si cela peut vous servir
omettez de préciser « accord écrit », ce qui vous permettra de les
accuser si d’aventure une décision prise en accord oral par votre équipe s’avérait
mauvaise. Vous pouvez à l’occasion
demander conseil au sujet d’une décision, mais exclusivement pour mieux vous approprier
l’idée suggérée si elle est pertinente ou pour rejeter le blâme sur celui qui
l’a produite si elle ne l’est pas. C’est toujours vous qui avez le point final.
Soyez dans tous les projets
La conséquence logique de ce premier point est votre
omniprésence sur tous les projets, faute de quoi il vous faudrait leur laisser
la capacité de décider eux-mêmes. Or votre équipe n’est pas capable
d’autonomie- vous pouvez si besoin vous en persuader en leur laissant mener un
projet seul, vous verrez vite qu’ils arrivent à un résultat différent du vôtre,
donc par définition mauvais. Par conséquent, assurez-vous que vous êtes
derrière chaque projet, et contrôlez son bon déroulement tâche par tâche. Tout
en donnant l’illusion de vous concentrer sur des tâches « à haute valeur
ajoutée », immiscez vous subrepticement dans chaque groupe de travail,
dans les réunions, demandez à être en copie de chaque mail, et restez au centre
de chaque décision concernant le projet, dont vous aurez le soin de modifier
régulièrement les tenants et les aboutissants.
N’accordez votre
confiance qu’en cas d’échec
Ne montrez aucun signe de confiance quand à la capacité
d´autonomie de votre équipe. Ne les responsabilisez surtout pas en leur donnant
carte blanche sur un projet, cela aurait des conséquences catastrophiques sur votre
autorité. L’anti-management recommande cependant, si vous êtes absolument certain(e)
de leur échec futur dans la tâche confiée, de feindre une confiance totale pour
les laisser libre d´échouer. En
particulier lorsque vous pensez échouer dans une tâche, donner leur le panache
blanc et laissez les partir au charbon pour vous. Vous pouvez même aller un
cran plus loin en leur refusant votre temps ou votre aide sous prétexte qu’ils
sont « responsables », précipitant ainsi la probabilité de leur chute.
N’omettez jamais d’en faire publiquement des coupables lorsque l´échec
surviendra.
2- Etre le maitre
de l’information:
Celui qui contrôle c’est celui qui sait. Tout bon
anti-manager doit donc parfaitement maitriser l’information qui circule au sein
de son équipe, et s’assurer qu’il est au centre de tout flux d’information,
qu’il peut endiguer à souhait. Pour cela trois recommandations :
Cherchez à savoir tout sur tout…
Il est capital que vous soyez informé en temps réel non seulement
du quotidien officiel de votre société dans son ensemble mais également des
faits et gestes de chaque membre de votre équipe. Rien de ce qu’ils font,
disent, produisent et même pensent ne doit vous échapper. Plus vous en saurez
sur eux et mieux vous les contrôlerez. Pour cela il est extrêmement important
de savoir recueillir non seulement un maximum d’informations officielles, en
exigeant d’être en copie de toute communication, en contrôlant chacune de leurs
productions, en demandant un rapport journalier précis et détaillé par écrit
des activités de chacun, mais aussi en collectant des informations officieuses,
par exemple en ayant des conversations « anodines » en aparté avec les
différents membres de l’équipe, en surprenants (ou épiant) les discussions de
couloir ou en lisant les mails ou leurs notes par-dessus leur épaule. Un moyen
efficace de parvenir à extorquer ce genre d’information consiste à faire semblant
de vous intéresser à votre équipe et à leurs ressentis, en leur demandant par
exemple d’un air compréhensif leur opinion sur telle ou telle autre personne. Recueillez
des informations personnelles et notez tout. Récompensez discrètement chaque
geste de véritable délation en feignant une confiance accrue avec les plus loquaces.
Si besoin sortez du cadre professionnel en les emmenant boire ou manger avec
vous un soir. Faites les boire en prenant soin de vous contrôler et glissez
quelques confidences pour mieux en recevoir. Là encore ayez soin de tout garder
en mémoire, cela vous servira toujours plus tard.
…mais gardez-le pour vous
Ce point est clé. Le pouvoir résidant dans la différence
d’information, vous ne pouvez pas vous permettre de faire librement circuler
les informations qui pourraient être utile à votre équipe pour s’émanciper de
votre contrôle. Mettez donc en place un système d’information extrêmement
centralisé et dont vous êtes le pivot. Un
bon anti-manager fait de la rétention d’information en permanence. Sous couvert
de confidentialité, découragez la circulation d’information sur les différents
projets en cours ou sur la situation générale de la société (hormis le fait
qu’elle se porte mal à cause du manque d’efficacité de votre équipe). Ne donnez
aucune information, ou la plus vague possible, sur votre stratégie à long
terme, ou sur les raisons qui justifient vos décisions. Limitez la formation
initiale de votre équipe et lorsque vous leur confiez une tâche, ne vous
étendez pas sur le sens de celle-ci, fournissez le strict nécessaire à sa
réalisation. Et de temps en temps omettez de fournir une ou deux informations
clés afin de les mettre en échec puis de leur reprocher de n’avoir pas
d’eux-mêmes cherché cette information.
Modifiez l’information à loisir
Tout anti-manager est bien conscient que dire la vérité,
comme toute optique de transparence, représente un danger, et que la vérité
reste une notion relative. Il est donc fortement recommandé de faire usage de
mensonges et de mauvaise foi chaque fois que la situation pourrait vous causer
du tort, par exemple lorsqu’une erreur pourrait vous être imputée.
N’hésitez pas si besoin à nier vos paroles ou actions
antérieures-si elles n’ont pas de trace écrite, à revenir sur vos décisions ou
à distordre la réalité, « j’étais coincée dans un call tout l’après-midi », «
non je n’ai pas reçu ton mail, il a dû aller dans mes spam», « ca ne me prend
pas plus d’une heure d’écrire ce document, pourquoi tu es dessus depuis trois
heures? ».
Attachez-vous également à faire circuler des rumeurs ou à
faire des confidences, chaque fois sous le sceau du secret pour éviter des
recoupements internes, au sujet d’un membre de l’équipe « hier elle a fait une
crise de nerf et s’est effondrée en larmes au bureau », « je pense qu’il a des
problèmes d’argent », « il ne produit rien en ce moment, il m’a dit qu’il se
trouvait lent par rapport aux autres » etc. Cela vous permettra de contrôler
les relations au sein de l’équipe et surtout d’obtenir en retour des
confidences au sujet de ses membres-que vous veillerez à déformer avant de les
colporter.
Bien entendu détruisez entièrement toute information
réelle ayant trait aux personnes qui ont quitté l’entreprise et étalez-vous
longuement sur les motifs ou conditions « officielle » de leur départ « son
fils allait mal », « sa mère avait des problèmes de santé », « elle était
bipolaire » etc. Vous apprendrez dans une prochaine leçon à leur forger
efficacement une mauvaise réputation.
3- Micromanager:
La théorie de l’anti-management est sans ambigüité sur ce
point : il faut contrôler de manière millimétrique et systématique chaque étape
de la production de vos subordonnés. C’est une des méthodes les plus efficaces
sur le long terme pour tuer une équipe, donc fournissez tous les efforts
possibles pour y parvenir.
Fixez unilatéralement leur planning
Pour vous assurer de contrôler efficacement leurs
activités, prenez soin de fixer vous-même leurs activités, leurs projets et
leurs deadlines. Décidez de comment vous répartissez les tâches, de qui doit
faire quoi et quand etc. Nul n’est mieux
placé que vous pour savoir à quel rythme ils doivent produire, à eux ensuite de
s’y adapter. Créez leur to-do list et mettez là en ligne afin de pouvoir
surveiller sa progression. Ne vous arrêtez évidemment pas lors de son
élaboration aux considérations liées aux temps légaux du droit du travail ou
aux contraintes personnelles de votre équipe, d’une part cela n’a aucune
importance, d’autre part il est souhaitable qu’ils ne puissent pas atteindre
les objectifs que vous leur fixez, faute de quoi ils pourraient penser qu’ils
sont compétents. Par contre prenez soin de les responsabiliser en apparence en
leur demandant comment ils comptent s’organiser pour respecter ces délais. Exigez
d’eux qu’ils découpent le plus finement possible chaque tâche donnée, ainsi que
le temps qu’ils pensent y allouer et la date à laquelle ils vont vous livrer le
produit intermédiaire ou final. Veillez
donc à ce qu’ils vous fournissent un agenda prévisionnel de chaque journée
intégrant vos exigences, ce qui vous permettra de le modifier s’ils sont trop réalistes et de justifier les
tâches supplémentaires que vous ne manquerez jamais d’ajouter à leur to-do list
afin de leur reprocher à la fin de la journée de ne pas savoir gérer leurs
priorités et d’être inefficaces.
Contrôlez systématiquement toute production
Une fois leur planning sous contrôle, exigez d’eux qu’ils
vous fassent valider la moindre production au fur et à mesure de son
élaboration. Relisez et corrigez systématiquement, ne serais ce que pour la
forme. Ordonnez de faire des modifications sur chaque document qu’ils ont
produit afin de justifier ces nombreuses itérations. Assurez-vous d’être ainsi
régulièrement le goulot d’étranglement de leur travail, afin de les bloquer
pour avancer et de leur reprocher ensuite leur manque d’efficacité. Bien
entendu ne corrigez jamais vous-même, mais prenez le temps de leur signaler en
détail tout ce qui ne va pas dans leur travail, en restant vague sur la
correction attendue. Cela est certes chronophage, mais une stratégie payante. Au-delà
de la frustration permanente que cela engendrera sans faute, cela vous
permettra de contrôler – et punir le cas échéant- qu’ils ont bien intégré chacune de vos modifications.
Soyez constamment derrière leur dos
Enfin, et en sus d’exiger un rapport d’activité quotidien
avec en PJ tous les produits finis ou avancés ce jour, il est capital de
contrôler physiquement la production. Tout anti-manager sait parfaitement qu’au
moindre relâchement ils arrêteront de produire, réfléchirons, parlerons entre
eux et deviendront un danger. Installez-vous donc régulièrement au milieu de
leurs bureaux, regardez par-dessus leur épaule et demandez à de courts
intervalles où ils en sont-en exigeant des preuves. Si besoin faites-les même
travailler en face de vous, en particulier si vous pensez qu’ils ont des
chances de faire une erreur. Rien de tel qu’un faux pas commis sous vos yeux
pour ensuite les mettre au pilori. Si d’aventure vous vous absentez
physiquement, veillez à maintenir un tir serré de mails exigeant d’abord le
programme de leur journée puis demandant l’avancement de chaque projet heure
par heure. Envoyez alors des commentaires et des corrections à passer par mail,
si possible de manière désordonnée afin d’augmenter la probabilité qu’ils en
oublient une, ce que vous pourrez alors leur reprocher facilement.
Si vous appliquez à la lettre les trois premières leçons
d’anti-management, les premiers signes de faiblesse devraient commencer à
apparaitre au sein de l’équipe au bout de quelques semaines. Vous laissant
champ libre pour mieux les épuiser.
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