Comment tuer la créativité: leçon Nº2: Les mettre en cognitive overload



L’anti-management met régulièrement en garde sur le fait que même les têtes les plus uniformisées sont tout de même des cerveaux différents et tous actifs...s’ils ont le moindre temps pour penser. Donc pour vraiment limiter la production d’idée, il faut ne pas leur laisser la place de naitre. Il suffit de polluer massivement le cerveau, s’assurer qu’il est dans un état de surchauffe, d’embouteillage permanent. Surtout ne pas laisser le moindre interstice pour qu’une idée s’y glisse. Quelques méthodes efficaces pour cela:


      1. Abrutissez-les de travail

Très simplement, il faut que chacun sauf vous ait une quantité astronomique de travail. Arrosez-les de tâches très chronophages (rédiger des énormes rapports, vérifier des centaines de chiffres, etc) et imposez des délais extrêmement courts qui vont les obliger à focaliser toute leur attention dessus. Maintenez cette pression en rappelant en permanence le temps qu’il leur reste et en leur demandant d’accélérer. Astuce, privilégiez des échéances les lundi matin ou en retour de vacances afin de vous assurer de leur liberté d’esprit inexistante.

Evidemment la notion d’horaire est à oublier dans l’anti-management, les 35h étant adaptées pour un mi-temps et la notion des « heures de bureau » étant effacée depuis l’invention du blackberry. Petite astuce utile pour éviter les problèmes d’URSSAF : assurez-vous d’avoir des contrats de travail « forfaits cadres »vous permettant de justifier le nombre d’heure par la « flexibilité »et les fameux « RTT » que vous aurez soin de les obliger à poser quelques jours avant les grosses deadline, vous assurant ainsi qu’ils les passeront à travailler ou les perdront en toute conscience.

De même pour les pauses, notion qui doit être inexistante, deux astuces d’anti-management pour les supprimer consistent à mettre la machine à café dans votre bureau, sous la liste des dossiers urgent, ou bien à vous déplacer dès que vous entendez qu’une personne prend une pause pour lui demander où elle en est de ses projets en retard.

Ils ne pourront plus marcher vite, il faudra sprinter dans une frénésie croissante.


      2.  Créez des pics de stress :

Ajoutez ensuite de manière sporadique, et d’autant plus que les deadline fatidiques se rapprochent, d’autres tâches « urgentes » et « très importantes », Cela leur ajoutera des montées d’adrénaline régulière. Si besoin (pour des anti-managers débutant) utilisez les excuses du client pressé, de l’opportunité à saisir ou simplement de leur promotion prochaine pour justifier l’accélération et la charge supplémentaire.

Pour encore augmenter leur surchauffe cognitive, et éviter qu’une tâche devenue « routinière » ne leur laisse la possibilité de réfléchir – car « Réfléchir, c’est déjà désobéir », assurez-vous que votre équipe soit toujours en difficulté dans l’exécution de ses tâches. Dans ce but, l’anti-management recommande la rétention d’information : sous couvert de confidentialité, ne partagez rien qui puisse les orienter puis reprochez-leur soudain de n’avoir pas pris en compte telle ou telle information pour les faire transpirer de peur. 

Ou au contraire partagez des informations nombreuses mais contradictoires, en évitant soigneusement de répondre à leur questionnement, de manière à ce qu’ils paniquent quand vous leur demandez où ils en sont, ce que vous ferez régulièrement.

Si besoin lorsqu’ils se plaignent du rythme, rappelez froidement que s’ils veulent aller voir ailleurs, l’ANPE est juste à côté. 


 3. Noyez leur cerveau

Enfin, l’anti-management vous encourage à ajouter encore de la pollution à leurs cerveaux déjà en surchauffe : il faut systématiquement empêcher votre équipe de se concentrer et court-circuiter leurs pensées régulièrement. Pour cela, en plus de les mettre dans un environnement bruyant et plein de mouvement (inspirez vous des trading floor à l’ancienne), interrompez-les en permanence pour des raisons aussi diverses qu’absurdes.  L’idée est simplement de les couper dans leur élan productif « quel jour serons-nous mardi prochain ? », « vous savez qui a pris le courrier ? ». 

Pour corser encore la gymnastique intellectuelle, adressez-vous à eux avec énormément de détail, sautez du coq à l’âne, parlez très rapidement, coupez vos phrases au milieu, contredisez-vous etc. Et demandez s’ils ont bien tout retenu. Leur pauvre cerveau sera complètement perdu.

Pour l’achever, lorsque vous leur donnez des instructions, ayez des listes à rallonge de choses à faire sans aucun lien. L’exemple de Miranda Presley dans l’excellent film « Le Diable s’habille en Prada » est édifiant. Bien évidemment, vous saurez les punir s’ils oublient le moindre élément. Leur cerveau sera en déconfiture de stress.



Vous pourrez alors être à peu près certains qu’ils ne pourront connecter que les neurones que vous leur demandez d’activer pour exécuter vos ordres. Ce qui devrait vous laisser l'exclusivité de la production d'idées.

Comment tuer la créativité : leçon Nº1: Maintenir un environnement uniforme et asceptisé




S'il existe une menace sérieuse à l'Anti-Management, c'est bien la créativité. Ce concept abject qui permet à votre équipe d'avoir des idées qui ne viennent pas de vous, de penser d'autres manières de faire que la vôtre ou même d'imaginer une autre existence que celle que vous lui faites vivre. Cette créativité doit être systématiquement et âprement combattue par un bon anti-manager. Nous avons donc décidé de vous livrer quelques principes pour vous y aider.

La première grande recommandation de l'anti-management pour tuer la créavitié est de mettre en place un environnement et une équipe d'un conformisme à toute épreuve. Voici quelques pratiques avérées pour y parvenir.


1. Entourez vous de clônes conditionnés

Le premier ennemi à abattre pour éviter toute créativité est bien entendu la diversité. Commencez par le plus évident, votre équipe.
Il est important lors du recrutement que vous vous assuriez qu’ils aient tous le même bagage culturel et intellectuel, afin qu’ils pensent exactement la même chose…que vous. On recommande pour la France des jeunes d’un milieu plutôt aisé (qu’ils n’aient pas connu de difficulté est souvent gage de moindre créativité), bons élèves, qui ont fait une grande école, votent au centre (pas de convictions), sont de tendance catholique (mais pas fervents), de culture bien Française sur plusieurs générations (pas de vie à l’étranger), et évidemment de même sexe et de même orientation. L’anti-management recommande de privilégier les hommes, cela favorise la compétition. Evitez les régions aux cultures trop fortes et extraverties comme le Pays Basque, ou la Provence qui pourraient avoir envie de montrer d’autres façons de parler que la vôtre, préférez la région Parisienne et plutôt l’Ouest.  Fuyez comme la peste les parcours originaux, les entrepreneurs ou artistes en tout genre.

Pour vous assurer une plus grande uniformité de pensée et d’action et les lobotomiser rapidement, recrutez autant que possible des jeunes qui soient déjà bien conditionnés à rechercher la reconnaissance et la réussite. Les fameux « underconfident-overachiever », parfaits petits soldats prêts à bien s’aligner. D'un point de vue pratique, il est clair que vous serez le/la seul(e) abilité à trier les CVs, déterminer les critères (totalement subjectifs) de recrutement, et décider de qui a le privilège de rejoindre votre équipe. Un peu de mauvaise foi peut aider à faire passer certains choix qui pourraient sembler trop arbitraires: "Malgré son CV brillant il a été très mal à l'aise pendant l'entretien, il est donc incapable de tenir le stress, on ne le prend pas". 

Si, hélas, pour des histoires de quotas ou autre erreur de recrutement, il arrive qu’on vous impose de travailler avec un collaborateur qui ne soit pas vôtre clone, rendez lui la vie impossible (cf articles « Comment tuer votre équipe en 10 Leçons » et virez le dès que possible.


2. Enfermez-les dans un grand nombre de règles strictes

Prenez le temps de formater vos équipes pendant quelques mois en leur imposant un cadre de pensée et des méthodes de travail aussi strictes que précises. Leurs schémas de raisonnement doivent devenir parfaitement identiques. Nous recommandons l’ouvrage du « Pyramid Principle » de Barbara Minto ou autres ouvrages aux nombreux « framework » permettant de bien enfermer leurs pensées dans un cadre uniforme.  Leurs outils de travail doivent également être des cases pré-fabriquées qu’ils n’ont qu’à remplir scrupuleusement et scientifiquement avec les informations récoltées. Allez jusqu’à minuter leur tâches, surveiller leurs déplacements et leur imposer des horaires extrêmement précis. Il va de soi que vous leur imposez aussi un dresscode. Nous suggérons le port d’un costume noir avec une fine cravate noire, avec une marge d’acceptation d’une chemise bleu pâle sur un pantalon noir le vendredi. Pas de jupes ni de talons hauts pour les femmes si il y en a. Inspirez vous de l'armée (Impériale en particulier) pour ce volet là, les grades et distinctions en moins évidemment. . 

Vos collaborateurs doivent ainsi devenir parfaitement interchangeables, et comprendre qu’ils ne sont qu’un être vivant jetable remplissant un poste bien plus important qu’eux, une sorte de robot intelligent (que les anti-managers ont tous hâte que la science développe, cela nous évitera des prudhommes) dont le rôle consiste à tout sauf à produire des idées qui sortent des cases à remplir.



3. Créez un environnement de travail parfaitement aseptisé

Ensuite, pour vous assurer que ces idées n’auront pas lieu de germer faute d’arrosage, assurez-vous également de maintenir un environnement de travail aussi impersonnel, froid et aseptisé que possible, où la seule différence d’un bureau ou « cubicle » à l’autre sera le nom sur la petite plaque de la porte. L’environnement idéal pour cela est composé d’un grand plateau bordé de longs couloirs parallèles aux bureaux identiques entourant un open space en « grille » où chacun est enfermé dans la même petite boite au mobilier identique.
Le tout dans une grande tour d’acier et de verre, dans des étages suffisamment haut pour qu’il n’y ait vu que sur le ciel ou d’autres tours, avec des couleurs dans des tons gris que l'on retrouve partout, de la moquette aux parois, une luminosité artificielle blafarde et l’absence totale de décoration ou autre plantes, stupide suggestion néo-écolo qui ne fait que distraire le regard, avec le risque non-négligeable de provoquer la naissance d’une idée.


Même si cela ne suffit pas à tuer toute forme de créativité comme nous le verrons dans les prochaines leçons d’anti-management, vous aurez ainsi l’assurance d’un cadre et d’une équipe aussi stérile que possible en idées. Car les idées, il n'y a que vous, l'anti-manager, qui devez en avoir. Votre équipe devra vite le savoir.

Comment tuer son équipe en 10 leçon: Leçon Nº10 : Harceler jusqu'à l'extermination


                                                          Image courtesy of Phaitoon/ Freedigitalphotos.net
Félicitation chers anti-managers, votre œuvre touche à sa fin ! Vous allez enfin pouvoir goûter au plaisir enivrant- et seul à même de vous satisfaire- de voir s’éteindre toute votre équipe-ou plus précisément ce qu’il en reste, les plus faibles ayant déjà depuis longtemps donné leur démission et les survivants étant en piteux état. Comme il ne faut cependant pas sous-estimer la capacité de résilience de ces sous-êtres, seul un savant mélange de méthodes aguerries de destruction mentale, développées par les meilleurs anti-managers, peut vous assurer un résultat final aussi probant qu’irréversible. Elles vous sont présentées dans cette ultime leçon.

Note de l’auteur: Si vous avez scrupuleusement mis en application les précédentes leçons, les achever comme présenté ci-dessous ne devrait pas être trop difficile. Si vous sentez que certains aspects sont encore trop peu présents dans votre anti-management, il est souhaitable d’y revenir et de mettre l’emphase dessus pendant quelques semaines avant d’entamer cette dernière phase, au risque de déclencher une réaction de résistance généralisée qui pourrait- provisoirement car vous avez à présent les clés pour rétablir la situation- mettre à mal vos plans. Dans tous les cas il est recommandé pour plus d’effet d’augmenter l’intensité de chacun des composants décrits dans les leçons précédentes. 

1- Préparer vos arrières
On n’est jamais trop prudents quand il s’agit de parachever une œuvre. Avant le massacre final, assurez-vous de mettre toute la mauvaise foi au service de votre projet et de votre casier judiciaire.
 Même les meilleurs anti-managers ont parfois vu leurs travaux ruinés par la stupidité de la législation sur la protection sociale- ramassis d’inepties servant les intérêts d’employés inutiles, incompétents et tire-au-flanc, et prétendant que le bien-être et la justice peuvent être des composantes du travail. Aussi pénible que cela puisse être, il vous faut prendre en compte cette réalité dans vos projets. Fort heureusement, la législation est une machine peu efficace, il est donc facile pour un anti-manager intelligent d’en jouer à son avantage. Quelques conseils pour cela.

Prenez un excellent avocat
La première étape consiste évidemment à trouver un défenseur ardent de votre cause. Choisissez pour cela un cabinet d’avocat connu pour son agressivité et ses victoires aussi éclatantes qu’hautement contestables. Prenez soin d’identifier au sein de ce cabinet un de vos pairs, un anti-manager en puissance comme il y en a beaucoup dans ce milieu. Il sera ainsi facilement apte à contrer les menaces auxquelles vous pourriez être exposé(e), et vous saurez que vos demandes seront exécutées par son équipe dans la nuit suivant votre appel. Pour vous attacher ses bons et loyaux services, soyez-prêt à le payer grassement. Vous savez très bien que la loyauté n’existe pas et que rien ne convainc mieux que le discours de l’argent, et votre avocat saura l’utiliser à bon escient. Autre avantage d'un cabinet d’avocat très cher : vous limitez le risque de contact entre l’un des membres de votre équipe et le cabinet en question.

Positionnez-vous en victime
Une fois l’avocat trouvé, la première précaution à prendre est évidemment de vous assurer qu’il n’ait d’autre source d’information que la vôtre sur votre situation. Ensuite il faut rapidement et dès les premiers signes d’affaiblissement de votre équipe, vous poser en victime auprès de l’avocat. Pour cela vous n’aurez aucun mal à mettre généreusement en œuvre votre mauvaise foi naturelle pour expliquer et vous plaindre de la situation que vous impose votre équipe. Montrez que vous êtes victime d’une équipe incompétente, amorphe ou insolente, que vos efforts et votre dévouement pour les faire grandir n’ont eu aucun effet et que malgré tout ce que vous avez généreusement donné pour eux, sans compter les salaires élevés que vous leur payez, vous êtes désespérés de pouvoir rien en tirer. Insistez sur les conséquences de leurs manquements, sur les heures infinies que vous passez à reprendre leur travail mal fait, sur le temps que vous perdez à leur expliquer comment faire sans qu’ils ne comprennent jamais, sur leur ingratitude et leur manque de respect à votre égard, bref sur chacun des points vous positionnant au regard de la loi comme un employeur modèle portant avec honnêteté le pesant fardeau d’une équipe de bras cassé.

Montez votre dossier contre eux
Pour mieux vous en servir contre eux en cas de procès, prenez soin dès leur arrivée de noter et garder trace de chacune des erreurs que pourront commettre les membres de votre équipe- puisqu’il est clair qu’il n’y a qu’eux qui peuvent être responsables. Dans la logique du contrôle permanent que vous leur imposez et puisque vous disposez d’un accès permanent à leurs ordinateurs, fendez-vous à la moindre petite erreur d’un mail de virulent reproche gonflant très largement l’ampleur de leur faute, et effacez des boites mails toute trace de justification en leur faveur. Partagez régulièrement avec votre avocat ces éléments permettant de renforcer votre cas et de montrer la malédiction que représentent vos « fatales erreurs de recrutement ». L’anti-management recommande également de leur faire des procès d’intention et d’imputer à une volonté avérée de nuisance ou de sabotage toute erreur ou oubli important de leur part, renforçant ainsi la théorie du complot que votre avocat saura utiliser en temps voulu. Mieux encore, inventez à loisir des situations de menaces physiques "il a voulu me frapper". Vous aurez ainsi en main les clés vous permettant une destruction sanctifiée par la législation et pourrez retourner contre eux toute tentative de vengeance en justice.

Note de l’auteur : De nombreux anti-managers sont connus pour avoir attaqué victorieusement leurs anciens employeurs pour harcèlement moral et leurs anciens employés pour tentative de sabotage.


2- Instaurer un régime de terreur
A présent que vous êtes protégé, il est temps de mettre en oeuvre la solution finale, celle qui aura raison des psychismes les plus agguéris. En plus de l'application de toutes les leçons précédentes, votre principale tâche pour parachever votre oeuvre consiste à créer le terrain favorable à leur anéantissement moral.  Voici ce que l'anti-management recommande à cette fin: 

Assurez une ambiance insoutenable 
Pour atteindre votre objectif d'extermination de votre équipe, il faut commencer par creuser leur tombe. Pour cela quoi de plus logique que de faire en sorte que l’ambiance du bureau soit aussi joyeuse que celle d’un cimetière ? Bien entendu on ne parle pas d’un lieu de recueillement bucolique, on parle d’un de ces vieux cimetières au crépuscule d’une nuit d’hiver, d’une atmosphère plombée lourde d’angoisse où chacun a le cœur glacé par la peur. Où nul rire et nulle parole réconfortante ne se fait entendre pour réchauffer les âmes. Sous couvert d’urgence et de retards accumulés que vous rappellerez avec force détail lors du meeting du lundi matin, noyez-les sous un flot ininterrompu de tâches aussi ingrates qu’ardues(cf leçon N4), en veillant bien à ce que nul ne relève la tête pour prendre une pause avant la nuit tombée. Contrôlez en permanence leur production afin de leur assurer que rien ne va et qu’ils sont loin d’avoir terminé (cf Leçon N3). Bien entendu, à la moindre agitation qui ne soit pas productive, venez ajouter une ligne de plus à leur liste pesante de tâches urgentes. Pensez à continuer à générer de la tension entre les membres de votre équipe en répartissant arbitrairement les rôles et en accusant l’incompétence de l’un puis de l’autre d’être responsable de la charge de travail de toute l’équipe (cf leçon N5). Comme dans ces lieux de deuil et de désolation, votre équipe doit pleurer en arrivant au travail, et sangloter en en repartant.

Soyez détestable en permanence
Et pour renforcer encore le couvercle de plomb qui pèse sur leur quotidien, offrez à votre équipe la quintessence de votre attitude d’anti-manager. Plus aucun effort à faire, plus de faux-semblant, laissez libre court à tout le mépris que vous avez pour eux. Cette fois sans avoir besoin de calculer vos sentiments, soyez honnête et ne vous cachez plus, exprimez à l’ensemble de ceux qui vous entourent tout le bien que vous pensez d’eux, et montrez sans honte qu’ils sont à des mètres sous terre par rapport à vous et qu’ils n’ont pas plus de valeur à vos yeux qu’une bande de cafards grouillant. Soyez donc aussi aimable qu’une porte de prison et aussi engageant(e) qu’un bouledogue qui a la colique.  D'une mauvaise humeur aussi apparente que permanente, critiquez absolument tout le monde, fustigez tous vos interlocuteurs, fournisseurs et clients y compris, rejetez en bloc n’importe quelle idée ou suggestion- ou attribuez-vous la, remettez à sa place quiconque a le front de s’adresser à vous et dites ouvertement et régulièrement à votre équipe que vous êtes absolument convaincu(e) de leur inutilité profonde et de leur absence totale de potentiel. Les plus fins anti-managers recommandent tout de même, quelques minutes par jour, d’arborer un grand - et faux- sourire pour raconter votre vie et vanter vos mérites afin de les forcer à se détendre et à vous répondre avec un sourire timide espérant vous voir revenir à la bonne humeur, pour immédiatement les remettre sèchement à leur place et reprendre votre attitude agressive. Vous ajouterez ainsi aux pleurs une angoisse qui leur serrera les tripes en permanence dans un mal-être absolu.


Déclenchez des tempêtes de rage
Enfin, pour mettre la touche finale à cette ambiance détestable, l’anti-management recommande d’ajouter encore un peu d’électricité dans l’air en laissant plus régulièrement que de coutume libre cours à votre rage: fréquemment et pour des raisons aussi peu rationnelles que possible afin de leur ôter tout caractère prévisible (une faute d’orthographe dans un brouillon, un fruit oublié dans le frigo, un peu de vaisselle qui traine, une feuille pas imprimée pour une réunion, etc.), piquez des colères noires dont les retentissements doivent être perceptibles à plusieurs centaines de mètres alentour.  En menaçant l’équipe entière, hurlez, insultez les copieusement, dépréciez leur travail en public, plaignez-vous de cette bande d'incapables, menacez de tous les virer, et partez en claquant la porte et en faisant trembler les vitres. Des phrases comme « j’en peux plus de vous, quand je pense au salaire que je vous paye! Je vous ai dit un nombre incalculable de fois ce qu’il fallait faire, vous en êtes toujours incapables, vous êtes vraiment des…», «dans d’autres boites ils ont payés deux fois moins et travaillent deux fois mieux. C’est totalement inacceptable et ca ne va pas continuer comme ca ! », « A partir de maintenant je vais prendre des mesures radicales. Je ne sais pas ce qui me retient de tous vous virer ! » auront un effet garanti.  Larmes, angoisse et tremblements n’auront pas besoin de beaucoup plus pour les mettre à plat et face contre terre, cette fois sans espoir ni volonté de plus se relever.


3- Achever chaque survivant
Puisque vous n’avez plus devant qu’un pitoyable amas de fantômes hagards ou agonisants et malgré le plaisir évident que leur état de décrépitude mentale-et souvent physique- peut vous procurer en les voyant tomber les uns après les autres, il est clair que votre objectif d’anti-manager ne sera atteint que lorsque vous les aurez tous achevés. Et comme il arrive que malgré vos nombreux efforts certains fassent preuves d’une capacité de résistance que vous n’auriez jamais soupçonnée, nous vous livrons ici quelques moyens infaillibles pour achever un  membre de votre équipe un peu récalcitrant:

Appuyez là où ça fait mal
En bon anti-manager, vos qualités naturelles de fin observateur de la nature humaine vous ont permis de déceler en chacun ses points faibles, il vous sera donc aisé de le/la piquer au vif. Puisqu’à priori vous avez pris soin de recruter des jeunes ayant un grand besoin de reconnaissance, un désir de bien faire, l’envie de travailler en équipe et autant que possible des valeurs et une éthique forte, votre proie ne fait pas exception et il vous sera facile de la faire exploser.
Pour bien préparer le terrain et comme un prédateur qui chasse dans un troupeau, commencez par isoler votre victime. Prenez la en mission en direct avoir vous, si possible en déplacement, ou bien faites la travailler dans votre bureau face à vous.». Accablez-la de travail et de supposées responsabilités, ne lui laissez pas une seconde de répit et suivez en temps réel chacun de ses actes, demandant des comptes à chaque instant et augmentant graduellement la pression « alors, tu en es ou ? », « tu as fait quoi depuis tout à l’heure ? », « je peux voir ce que tu as écris? ». Harcelez-la par téléphone ou par mail si vous devez vous absenter pour vous assurer qu’elle ne vous échappe pas un instant. En termes de tâches, n’hésitez pas à lui demander des choses impossibles, ou bien une chose puis son contraire en niant avoir changé d’avis. En même temps, faites lui-régulièrement partager vos critiques et vos réflexions dévalorisantes, dont vous aurez soin d’augmenter l’intensité et le caractère non constructif « non, ça ne va pas. Recommence! ». Privée de repos et du soutien physique des autres membres de l’équipe, vous pourrez à loisir vous acharner sur elle et lui faire rapidement vivre un véritable enfer, l’abreuvant de reproches aussi injustifiés qu’exagérés, lui faisant sentir à tout moment son incompétence et votre déception à son égard, bref, mettez la en pièce mentalement parlant. La plupart n’y résistent pas plus de quelques jours.

Ajoutez un peu de sel sur les blessures
Si d’aventure votre victime semble survivre à ce traitement de choc, alors l’anti-management recommande d’ajouter une grosse dose de cynisme sur les blessures infligées pour la faire étouffer de rage. Demandez-lui d’abord, pour encore augmenter son désarroi, d’être capable de déceler elle-même ses faiblesses « quelle est la première chose que doit toujours faire un bon chef de projet ? », puis « à ton avis, qu’est-ce que tu as mal fait ici? ». Vous prendrez alors soin, d’une voie doucereuse et avec toute la mauvaise foi du monde, de lister toute une série de nouvelles directives ou règles- si possible en contradiction totale avec ce qu’elle faisait jusqu’alors- qu’elle aurait dû « savoir depuis longtemps, c’est la base de ton poste ! » et que « vous lui aviez pourtant clairement expliqué comment elle devait fonctionner ».  Et finissez en lui faisant un procès d’intention « tu le fais vraiment exprès, c’est pas possible! » et en lui reprochant de vouloir saboter tout votre travail, arguant par cela que « vous hésitez vraiment à lui donner encore la moindre responsabilité », ce qui justifiera qu’elle soit dégradée à exécuter des tâches rébarbatives- en la maintenant sous votre étroite surveillance et sous le flot continu de vos reproches. Votre proie, fébrilement agitée de spasmes de rage et de douleur, ne pourra normalement pas y survivre.

Remuez le couteau dans la plaie
Si toutefois et par miracle votre victime ne craque pas- il en est des très coriaces, il vous faut alors vous assurer que l’ensemble de ses valeurs et de ses besoins sont foulés aux pieds et jetés au feu, ce qui aura raison de ses derniers sursauts vitaux. Pour cela mettez un point d’honneur à placer votre proie dans les situations les plus humiliantes possibles, lui donnant envie de creuser elle-même sa tombe. Entre autres suggestions, faites-lui publiquement porter le chapeau d’une erreur qu’elle n’a pas commise, critiquez-la vertement face à une personne qu’elle admire, et discréditez-la devant tous les autres. Pour cela et alors que vous savez votre victime être dans un état mental proche de celui d’une huitre en putréfaction, demandez-lui en public et en direct d’être créative : « donne-moi tous les arguments de vente de notre nouveau produit », ou de vous lister plusieurs solutions à un problème complexe « écris moi le plan d’action, là, tout de suite ! », afin de pouvoir devant témoin démontrer son incompétence avérée, que votre victime ne pourra qu’amèrement reconnaitre. Pour parachever votre œuvre, vous aurez soin de la lui reprocher en ajoutant avec tout le dédain et la froideur dont vous êtes capable que « vous ne comprenez vraiment pas pourquoi elle n’arrive pas à réaliser cette tâche pourtant si simple», ou, pire encore, que « vous avez pourtant tout fait pour qu’elle réussisse, et elle n’en est pas capable ». Tous les coups sont permis, c’est l’hallali. L’échec personnel cuisant de ces situations, ajouté à son état de bête traquée, seront les trompettes de Jéricho de ses derniers remparts mentaux, et de nombreux cas vous assurent que votre victime, comme acculée devant un précipice, ne pourra alors que se suicider mentalement.  


Et ce sera la fin de votre équipe.

Vous aurez gagné, votre victoire sera aussi complète qu’admirable. Vos efforts auront payé et votre ancienne équipe peuplera les couloirs des urgences psychiatriques ou des cabinets d’avocats spécialisés. 

Vous pourrez alors fièrement vous féliciter d’avoir enfin atteint un niveau d’expertise de l’anti-management vous permettant d’entrer parmi l’élite de cette profession. Nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous, et sommes heureux d’accueillir une nouvelle référence dans cet art si subtil du massacre psychologique.

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Note de fin :
L’anti-management recommande évidemment de ne pas vous arrêter sur cette belle victoire mais de continuer pendant l’ensemble de votre carrière à parfaire votre art, et de saisir la première occasion de recommencer, peut-être avec une équipe plus importante ou plus expérimentée pour augmenter la difficulté.

Ressortez alors vos offres d’emploi aussi alléchantes que votre air faussement aimable. Le marché du travail est mauvais, vous ne pourrez que trouver…

Comment tuer son équipe en 10 leçon: Leçon Nº9 : Se montrer intraitable en toute situation

                                         Image courtesy of ImageryMajestic/ Freedigitalphotos.net
S’il est facile de supposer que les précédentes leçons vous ont probablement fourni des résultats probants, il est crucial de maintenir votre cap jusqu'au bout. L’inflexibilité d’un bon anti-manager est une de ses qualités primaires, et doit être à toute épreuve. Intraitable et impitoyable, rien ne doit jamais vous atteindre, vous faire changer d’avis ou, pire encore, vous attendrir- sauf si cela est calculé et sert à vos fins comme dans la leçon Nº1. Face au mur de marbre que vous représentez, votre équipe éperdue, n’ayant aucune prise sur vous, ne pourra que continuer sa destructive glissade. Voici dans cette leçon quelques conseils pour un anti-management des plus rigides.


1- Etre intransigeant sur votre métier
Tout d’abord et cela tombe sous le sens, le maitre mot de votre métier d’anti-manager- quel qu’il soit- doit être le respect strict et absolu de vos règles de travail. S’il est clair qu’elles ne s’applique pas à vous et qu'elles doivent être aussi flexibles et floues que vous le jugerez nécessaire, il vous faut exiger ce respect en toute circonstance, l’ériger en loi suprême avec laquelle nul ne doit transiger sans en payer le prix. Quelques recommandations pour cela :

Soyez inflexible sur vos méthodes de travail et votre approche
Il est évident qu’en tant qu’anti-manager, vous êtes seul(e) à connaitre les clés de votre métier. Dans votre équipe c’est donc vous et vous seul(e) qui décidez de comment le travail doit être fait. Dans cette optique, l’anti-management recommande de n’avoir qu’une unique approche et qu’une seule méthode de management, et de les appliquer et faire appliquer scrupuleusement, sans jamais en dévier d’un iota. En termes d’approche dans votre métier, vous aurez soin de favoriser une approche lourde de contrainte et de processus, nécessitant un grand nombre de vérifications, et possédant si possible quelques lointaines bases pseudo-scientifiques- que vous exploiterez grandement tout en prenant soin de ne pas élaborer ce sujet, évitant ainsi toute remise en question des fondamentaux de votre approche. Assurez-vous que cette approche ait fonctionné une fois des années auparavant (ou créez l’histoire qui va avec, cf leçon Nº8) pour justifier sa réplique systématique dans l’ensemble de vos projets. Inutile de répéter encore la nécessité d’avoir une équipe plutôt jeune et inexpérimentée pour mieux atteindre vos fins.
Pour ce qui est des méthodes et des outils de travail, assurez-vous qu’ils soient les mêmes depuis plusieurs décennies- une vingtaine d’année est recommandé, mais cela peut aller jusqu’au siècle pour les méthodes de management, d’excellents ouvrages de contremaitres d’usines du XIXème siècle sont disponibles à cet effet- et que leur obsolescence soit une source perpétuelle de frustration pour votre équipe, auprès de laquelle vous aurez soin d’utiliser l’argument de l’expérience- manuel poussiéreux de votre premier job à l’appui- pour couper court à toute critique. Ces méthodes arriérées n’ôtent en rien l’exigence que vous aurez envers votre équipe quant à la maitrise parfaite des outils modernes- que vous veillerez à ne jamais utiliser vous-mêmes devant eux, ce qui ne manquera pas de les mettre régulièrement hors d’eux.
Bien entendu cela ne veut absolument pas dire que votre approche ou vos méthodes doivent être claires et précises, bien au contraire. Elles ne doivent être explicites que pour vous, pour eux plus elles sont inintelligible mieux cela vaut. Il est donc crucial que votre équipe ne puisse trouver nulle part ni document ni écrit décrivant en détail leur contenu, qui restera largement variable au gré de vos envies- tout en demeurant absolument invariable dans votre bouche et dans vos exigences, pour leur plus grande frustration et incompréhension.

Tuez dans l’œuf toute déviation possible
Car il va de soi que vous ne permettrez pas la moindre modification de votre approche ou de vos méthodes qui ne soit pas de votre fait (et que vous nierez évidemment, prétendant que la méthode a toujours été la même et qu'ils n'y connaissent rien). Tout en maintenant votre contrôle absolu sur toute leur production- cf leçon Nº3, Rejetez immédiatement toute tentative de changement dans les méthodes de travail éprouvées que vous avez mises en place depuis si longtemps. Qu’importe s’ils suggèrent une façon de sortir les graphiques automatiquement avec excel, soyez inflexible et exigez qu’ils les produisent à la main un par un « comme on l’a toujours fait », même en sachant pertinemment qu’ils devront y passer la nuit. Si d’aventures ils essaient d’innover sur une présentation avec une structure simplifiée, envoyez violemment valser leur travail en insistant avec colère que « ce n’est pas ce que je t’avais demandé ! ». Ignorez tous commentaires ou arguments sur les possibles gains de temps ou d’efficacité ou d’esthétique que l’amélioration suggérée pourrait apportez, faisant une fois de plus valoir leur incompétence et l’inanité de leurs tentatives naïves « tu ne connais rien à ce domaine ». Vous ne pouvez imaginer le degré de frustration que cela pourra engendrer. Pour pousser encore un peu plus dans cette voie, les meilleurs anti-managers ont coutume, selon les cas, de feindre d’accepter la suggestion pour mieux la rejeter publiquement plus tard ou bien de la refuser en bloc puis de la présenter plus tard comme leur propre idée- cf leçon Nº8. Étouffements de rage garantis. Et bien entendu vous ne manquerez pas d’exiger d’eux régulièrement, et devant vous, de l’imagination et de la créativité « donnes-moi immédiatement les 10 actions que nos clients doivent mettre en place ! », « C’est quoi nos ‘unique selling points’ ? Vas-y, vends-moi notre nouveau service ! ». Vous pouvez être assuré(e) qu’ils vomiront rapidement vos modèles et vos méthodes avec leurs sushi de minuit.


Etablissez la dictature des moindres comportements
Au-delà des méthodes et du contenu de leur travail, montrez-vous aussi inflexible sur l’ensemble de leurs comportements. Imposez la loi martiale au bureau. Fixez les horaires (ou plus exactement l’absence d’horaires hors du bureau), les objectifs, les délais, les jours de congés, etc, contrôlez systématiquement et hurlez au moindre manquement. N’hésitez pas à vous fendre de mails collectifs pour remettre votre équipe à l’ordre «Nous avons des projets en retard, il est inacceptable que certains se permettent de prendre régulièrement une pause déjeuner de plus d’une heure». Etablissez des codes vestimentaires et soyez très strict sur ce point, quitte à exiger que quelqu’un aille s’acheter un pull parce que celui qu’elle porte ne vous convient pas. Reprenez-les sur leurs tournures de phrases, sur leur ton, sur leur posture, sur leurs expressions, sur leurs goûts, enfin sur tous les points possibles vous permettant de les enfermer dans votre moule. Allez même jusqu’à distribuer dès l’arrivée un livre décrivant la manière de pensée qu’ils doivent désormais adopter, et renvoyez- les à sa lecture au moindre relâchement. Et gare à celui qui cherche à en sortir, soyez implacable, vos foudres le remettront vite dans le droit chemin.


2- Demeurer intraitable sur vos priorités
Une fois les règles de leur comportement gravées dans le marbre, il convient de se montrer aussi peu flexible sur ce que vous désirez qu’ils exécutent pour vous. Pour cela deux règles à appliquer :

Montrez-vous inflexible sur les délais
Quel que soit ce que vous avez demandé et quelles que soient les externalités ou autres demandes urgentes qui ont pu les retarder, leur travail doit vous être livré dans les délais que vous avez fixés. Insistez à chaque réunion du lundi matin qu’ils doivent atteindre leurs objectifs « whatever it takes ». Qu’importe les excuses qu’ils pourront vous fournir, vous serez toujours d’une fermeté exemplaire. Le temps ou l’énergie qu’une tâche peut demander ne change rien à vos exigences- que vous aurez soin de relever régulièrement-, seul le résultat validé par vos soins compte. Sous couvert de tenir des délais toujours plus serrés, vous exigerez donc de votre équipe, au bureau comme en dehors, une flexibilité absolue, maintenant le travail comme unique but de leur vie. Ils doivent être à votre disposition en toute circonstance, vous les payez pour ça « je te rappelle que tu es en forfait cadre, donc pas tenu de faire 35h ».  S’ils n’ont pas tenus leurs délais ou si les priorités ont changé, soyez inflexibles, demandez-leur d’annuler leurs soirées, leurs week-end ou de travailler pendant leurs vacances « j’exige les documents samedi soir dans ma boite mail ». Et s’ils ont osés prendre une pause pour s’aérer alors que le travail était « urgent », passez-leur un savon et accablez-les de reproches avant de copieusement assassiner leur travail pour les renvoyer le refaire. Et pour ajouter encore un peu de piment à la plaie, il va de soi que le travail « urgent » qui vous sera rendu restera régulièrement plusieurs jours sur votre bureau sans que vous y jetiez un œil, les accusant ensuite d’être responsables du retard pris sur le projet, attisant d’autant plus leur frustration.

Ne transigez jamais sur votre intérêt
Ensuite et en tant qu’anti-manager,  il n’y a que vous et vos intérêts qui comptent pour votre équipe. Faites donc absolument et totalement abstraction de tout ce qui pourrait parfois les aider, les avantager ou les arranger. Leur intérêt est un concept totalement inepte et vide de sens pour vous. Montrez ouvertement que vous ne chercherez jamais à les satisfaire autrement qu’en leur versant leur salaire chaque mois- que vous n’hésiterez d’ailleurs pas à verser en retard, ou à annuler quand il s’agit des bonus, si cela peut servir vos intérêts. Dans cette logique, prenez le temps de raconter en détail votre vie et toutes vos préoccupations quotidiennes à votre équipe-surtout le soir au moment où ils souhaitent partir, sans le moins du monde chercher à connaitre les leurs-sauf dans la mesure où cela vous sert pour appuyer vos revendications et les remettre à leur place. En cas de conflit d’intérêt- un membre de votre équipe à une formation, le client vous demande un document, arbitrez systématiquement en leur défaveur- c’est vous qui comptez. Et restez absolument impassible face aux prétendues contraintes personnelles de votre équipe : « XX a un dégât des eaux ? Qu’il se connecte immédiatement, il s’en occupera plus tard, il faut envoyer le rapport », « Pardon ? YY doit aller chez le dentiste cet après-midi ? c’est totalement inacceptable, dit lui qu’elle annule son RDV ». Là encore rage, dégoût et frustration se ligueront pour concourir à votre réussite.



3- Ne faire preuve d’aucun état d’âme
Et par-dessus tout, pour compléter le tableau, un anti-manager doit toujours faire preuve de la plus parfaite absence de sentiment face aux faiblesses de son équipe. Aucune ne doit jamais le faire fléchir. Pour cela deux conseils fort utiles :

Soyez impitoyable sur les erreurs de votre équipe
Simple rappel des leçons précédentes, et dans le but de maintenir un climat de peur et de stress aussi élevé que permanent, vous veillerez bien entendu à ne jamais rien laisser passer. Maintenant un contrôle toujours plus serré de leur production, gestes et même pensées, vous aurez soin de relever et de retenir contre eux la moindre erreur, le moindre oubli, le moindre manquement aux règles - que vous vous assurerez de ne jamais clairement définir, vous laissant ainsi le loisir de les amender au gré de leurs progrès. Aucune exception ne pouvant être faite, vous réprimanderez vertement la moindre faute- que vous veillerez à provoquer en appliquant la leçon Nº6 ou à leur imputer en appliquant la leçon Nº8. Et, balayant toute circonstance atténuante, vous serez intraitable sur vos châtiments, punissant arbitrairement et violemment le moindre écart. « Ce n’est pas parce qu’elle est junior qu’elle peut se permettre ce genre de comportement, je devrais la virer ». « Non ce n’est pas ce que je voulais, dommage que tu y ais passé la journée, recommence ». « Vous ne tenez pas vos délais, à partir de maintenant c’est moi qui décide de quand vous posez vos vacances, et tout le monde va s’y conformer ». Et, bien entendu, inutile pour un membre de votre équipe d’envoyer un émissaire plaider sa cause auprès de vous, rien ne vous fera jamais changer d’avis, même preuve à l’appui. Au contraire dans un tel cas, ajoutez encore un tour de vis pour bien montrer qu’on ne remet pas en question votre jugement. Là encore les effets dévastateurs sont garantis.

Ne montrez pas une once de sensibilité 
Enfin et pour parachever votre œuvre, soyez absolument imperturbable face à leurs émotions. Ce point est capital. Car leurs manifestations émotionnelles seront inévitables si vous avez su mettre en application les précédentes leçons. Leur fréquence sera même un étalon de votre réussite. Il vous faut donc être sur vos gardes, car ces manifestations ridicules visent subrepticement à assouplir votre rigidité. Demeurez de marbre face à leurs états d’âmes, si apitoyant qu’ils soient. Larmes, tremblement, mines de chien battus ou rage contenue, vous savez trop bien que cette émotivité n’est qu’une marque de leur faiblesse, inutile donc de leur laisser penser qu’elle peut vous atteindre. Bien au contraire, utilisant un ton de profond dédain, reprochez-leur leur trop grande sensibilité et leur manque de résistance au stress, et exigez d’eux qu’ils se maitrisent- « si je peux te donner un conseil : ne pleure pas au travail !».  De même montrez-vous parfaitement insensible à leurs problèmes personnels, et restez inflexible quant à leurs conséquences. Quelqu’un a un accident grave qui vous prive de son travail pendant plusieurs semaines ? dites que « c’est bien fait pour elle, qu’est-ce qu’elle faisait à trainer dehors un samedi soir ? ». Quelqu’un part en arrêt maladie pour burn-out au milieu d’une mission sans vous laisser son ordinateur en partant ?  Cela constitue un motif de licenciement ou tout au moins un avertissement. Qu’il passe plusieurs mois en dépression grave n’aura pour seul effet que de vous confirmer qu’il était beaucoup trop sensible- ce que vous ne manquerez pas d’appuyer en riant. Et si au terme de cette leçon votre équipe en vient à se demander si vous êtes un être humain, vous avez atteint votre but. Vous êtes un anti-manager en puissance.



Et eux une équipe en déliquescence. Votre victoire absolue, et donc leur fin, est à portée de main. 

Comment tuer son équipe en 10 leçon: Leçon Nº8 : Être d'une mauvaise foi écoeurante

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À présent que votre équipe est en souffrance, il vous faut en bon anti-manager accroitre encore leur désintégration intérieure. Pour cela l’anti-management recommande d’aller, après leur amour-propre dans la leçon précédente, toucher ce qu’il y a de plus profond en eux : leurs valeurs. En premier lieu l’honnêteté et l’intégrité. Vous allez donc les entrainer sur la voie du mensonge, mais subtilement et graduellement, car rien n’est plus écœurant que réaliser que quelqu’un en qui on a confiance nous ment. Vous allez les déchirer intérieurement. Cette stratégie est infaillible pour décimer l’équipe. Quelques conseils issus des dernières recherches en anti-management pour mieux la mettre en oeuvre:

1- Exiger la vérité
Il est évident que pour que la chute soit violente, il faut d’abord les emporter haut. De manière pratique, cela consiste à leur laisser d’abord croire que la vérité et la probité sont intrinsèques autant à votre être qu’à leur travail. Dans ce but trois suggestions :

Érigez la vérité en valeur fondamentale
Dès leur arrivée soyez extrêmement insistant(e) sur l’importance de la vérité et sur le fait que vous ne transigerez jamais avec elle, posant ainsi les bases du système que vous ferez sauter par la suite. Allez jusqu’à dire explicitement à votre équipe que vous ne supportez pas le mensonge, que cela vous met hors de vous et que vous tenez à ce que votre équipe vous dise systématiquement la vérité. A ce stade votre équipe est encore fraiche et motivée, et leur intégrité fait peu de doute, donc cela leur semblera une évidence. Ajoutez qu’ils auront plus à vous craindre si vous découvrez qu’ils vous ont caché quelque chose que s’ils vous avouent leur faute et vous les aurez définitivement convaincus.  Pour encore renforcer cette sensation, faites leur rapidement des confidences sur les autres, sur les anciens, sur votre passé, prétendant ainsi partager avec eux toute la vérité, en les encourageant à en faire de même. Cela facilitera le recueil d’informations dont vous saurez vous resservir (cf Leçon Nº5).

Exigez de tout savoir sur tout
Au-delà d’exiger qu’on ne vous mente pas, votre équipe doit rapidement comprendre qu’il faut absolument tout vous dire. Dans la lignée du contrôle permanent que vous exercerez rapidement sur eux (cf Leçon Nº3), demandez explicitement à avoir un compte rendu détaillé de toutes leurs activités ou discussions de la journée, immiscez-vous dans leurs réunions et conversations, exigez de voir « où ils en sont » plusieurs fois par jour et prenez- les en tête à tête régulièrement pour obtenir leur avis « honnête et sincère » sur les autres. Au moindre essoufflement de ce flot continu d’information, faites-un scandale et déchainez vos foudres sur la personne en question, rappelant à qui veut l’entendre que « cette rétention d’information est totalement inacceptable ». Ils sauront à quoi s’en tenir.

Punissez sévèrement tout mensonge
Et si d’aventure vous apprenez qu’une personne de votre équipe vous a menti, ne serait-ce que par omission, convoquez la immédiatement pour la remettre à l’ordre en lui faisant sentir à quel point il est « gravissime » qu’il ou elle vous ait menti. Sanctionnez par un mélange de silence lourd, de reproches virulents et de sermon public, et n’hésitez pas à aller jusqu’au licenciement pour montrer à quel point il s’agit d’une faute terrible et d’un péché mortel. Un employé essaie de faire passer discrètement ses courses en notes de frais: couvrez-le d’opprobre et mettez-le à la porte pour tentative de fraude (même si c’était lié au fait que vous ne pouviez lui donner de ticket restaurant). Votre équipe, toute craintive qu’elle devienne, ne pourra remettre en question votre éthique et votre sens moral.

Jusqu’à ce que vous lui prouviez le contraire.


2- Être d’une mauvaise foi sans borne
Et c’est là qu’il faut inverser la vapeur, d’abord subtilement puis de manière plus évidente, en refusant ouvertement d’admettre la vérité dès lors que celle-ci vous dérange.

Refusez d’admettre vos erreurs
Il est clair que la première et principale application de la mauvaise foi sera de réfuter la vérité dans toute situation où vous êtes en faute ou exposé(e) à des reproches. Quelle que soit l’évidence- et surtout si elle est irréfutable, refusez- la en bloc. Entrainez-vous d’abord sur des choses futiles : si vous incendiez à tort quelqu’un pour son retard et qu’il vous dit vous l’avoir envoyé la veille : « non je n’ai pas reçu ton mail » (surtout si d’autres en CC l’ont reçu), alors que vous avez laissé votre collaboratrice à la porte en arrivant en retard « pas du tout, j’étais là avec XXX » (surtout si XXX est arrivée avec la collaboratrice en question). Puis passez au niveau suivant en reniant vos propres paroles : après qu’un collaborateur a passé la soirée à faire un travail dont vous n’êtes pas satisfait(e) « je ne t’avais jamais demandé de faire comme ça!», lorsqu’une collaboratrice vient réclamer le remboursement des frais qu’il a engagé à votre demande « je ne t’ai jamais dit de faire passer ça en frais! » ou si elle vient vous dire qu’elle ne comprend pas pourquoi un fournisseur prétend ne pas avoir été payé pour un service rendu « non je ne lui ai rien commandé ».  Avec l’aplomb nécessaire et si votre autorité d’anti-manager est bien implantée- ce qui doit être le cas à ce stade-, ils n’oseront pas remettre en question vos déclarations. Mais le doute en eux s’ajoutera au stress permanent.


Et accusez-en les autres
Pour enfoncer encore le couteau dans la plaie, assurez-vous de retourner la moindre situation vous remettant en cause contre votre équipe.  Commencez par régulièrement leur reprocher, avec un aplomb écœurant, tout ce qui pourrait à leurs yeux constituer vos propres faiblesses, en les invectivant avec des : « tu n’as pas été assez convaincant lors de cette réunion », « tu devrais travailler ton style vestimentaire », « tu n’es pas assez concentré quand tu travailles », « je trouve que tu manques d’empathie », coupant ainsi l’herbe sous le pied de leurs possibles remarques avec une mauvaise foi innommable. Et dès que l’occasion se présente, faites-leur porter le chapeau avec virulence pour vos propres erreurs, soit directement « tu ne m’avais pas envoyé l’adresse » (vous l’aviez laissé au bureau), « tu as oublié de me faire suivre le document » (vous ne l’avez pas lu) etc., soit indirectement « YYY n’a pas été capable de faire ce que je lui avais demandé », « XXX s’est trompé dans son analyse » etc. Dans les deux cas mixez mépris et assertivité dans votre ton, avec suffisamment de colère sous-jacente pour que personne n’aille s’aviser de contester votre mauvaise foi pourtant si évidente.

Après une phase d’incrédulité et de remise en question personnelle- ce qui peut en soi être destructeur puisqu’ils ne savent plus où est la vérité et iront jusqu’à croire qu’ils ont tort- vous pouvez être certain(e) que les ulcères de rage vont pousser comme fleurs au printemps dans les viscères de vos collaborateurs. Il peut même arriver dans les meilleurs cas que cette rage intérieure dévorante explose entre eux -puisqu’il faut bien trouver des coupables, accélérant d’autant leur dégénérescence physique et mentale.


3- Mentir ouvertement
Au-delà de simplement nier la vérité, rien ne peut exaspérer plus un collaborateur que le mensonge criant et délibéré. Si vous les avez bien recrutés intègres et que votre travail décrit en partie 1 a porté ses fruits, ils tomberont de haut.

Réécrivez l’histoire 
Pour commencer, ayez une vision très flexible du passé. S’il va de soi que vous aurez communiqué votre version très personnelle votre glorieux passé « à 26 ans je gérais seul(e) une marque internationale », « on allait me promouvoir mais je suis parti(e)» (vous étiez assistant(e) chef de produit et vous avez été mis(e) à la porte) pour mieux asseoir votre autorité et dévaloriser votre équipe, il est de bon ton de réécrire également l’historique et les précédents du métier. Il sera donc absolument normal d’exiger un rapport «sur mon bureau d’ici 2h » puisque c’est « la norme pour ce métier », ou de prétendre que auriez à leur place « deux fois plus de travail et deux fois moins de temps » et que dans les entreprises concurrentes « ils travaillent plus et sont moins bien payés que vous ». De même vous êtes fortement encouragé(e) à inventer de nouvelles procédures contraignantes et prétendre –le plus ancien de votre équipe ayant normalement moins de deux ans d’ancienneté-  qu’elles ont toujours existé « on a toujours posé nos vacances trois semaines en Août et deux à Noël, et on n’a jamais pris nos RTT », « on n’a jamais eu le droit d’aller sur les mails perso sur les ordis de travail ». Bien entendu ne vous gênez pas pour partir au ski une semaine en Février ou aller régulièrement sur vos mails perso au bureau. Comme toujours vous êtes au-dessus des lois.


Inventez des justifications
Lorsqu’une situation devient inacceptable et difficile à tenir malgré votre mauvaise foi, mentez ouvertement sur la situation. Que ce soit sur l’avancement réel d’un projet, sur un problème informatique récurrent ou sur les départs qui commencent à être nombreux et réguliers (si vos leçons d’anti-management sont bien appliquées), inventez des explications, des excuses ou même des complots : par exemple, votre interlocuteur chez le client « est un incapable et devrait être viré» (vous êtes en retard sur vos délais),  XXX est trop sensible « j’ai dû la mettre moi-même dans un taxi en larmes » (elle est partie très énervée), YY était dangereux « je l’ai viré car il a menacé de me frapper » (il vous a accusé de harcèlement moral) ou bien l’ancien CTO «a effacé des lignes de code en partant et mis en l’air le site internet pour se venger» (vous n’y connaissez rien et avez perdu les codes d’accès au site). Soyez extrêmement créatif, plus la justification sera grosse et plus vous choquerez violemment votre équipe lorsqu’ils apprendront la vérité. Le dégoût s’ajoutera alors à la rage, et plus d’un y succombera.

Demandez-leur de mentir
La seule chose pire que d’assister à un crime, c’est d’y être associé.  Pour porter le coup de grâce à votre équipe déjà bien faible, demandez-leur de renier leurs principes et de mentir. N’oubliez pas que si cela vous est facile, ils risquent de se rebuter au début, il vous faudra donc passer en force en usant de votre « expérience » dans le métier pour les convaincre que c’est normal. Lorsqu’un client appelle car vous avez oublié le RDV, dites à un de vos collaborateurs de prétendre que vous êtes coincé(e) à un RDV très important, si un fournisseur vous relance demandez à un collaborateur de dire que vous n’avez pas reçu le produit commandé et d’éconduire l’interlocuteur, si vous avez laissé trainer un client, demandez à votre collaboratrice de faire semblant d’être étonnée qu’ils n’aient pas reçu son mail (et de le « renvoyer » en effaçant la date (il n’avait jamais été envoyé). Mais au-delà de ces petits mensonges, demandez à vos équipes de mentir au client lors de leurs missions, non seulement en tenant le même discours que vous sur vos prétendus « gros clients fidèles » et sur votre « présence mondiale », mais en déformant les données collectées pour arriver au résultat que vous souhaitez présenter. Et laissez-leur le plaisir de communiquer eux-mêmes les résultats « dramatiques » pour voir sur leur front le pli de la culpabilité se dessiner peu à peu. Ils seront déchirés entre ce qu’ils savent et ce qu’ils doivent dire, et cette schizophrénie, si naturelle chez vous, leur sera vite insupportable. Pour finir, les meilleurs anti-managers recommandent de placer les plus intègres de vos collaborateurs en position de recrutement : charge à eux de donner envie aux suivants de venir prendre leur place. Sachant que vous passerez derrière ils n’auront d’autre choix que d’être convaincant. Peu de gens sont capables de survivre à un tel supplice psychologique.



La culpabilité s’ajoutant au dégoût et à la rage dans un contexte que vous veillerez à maintenir aussi stressant que dévalorisant, vous obtiendrez sans aucun doute une première vague d’effondrement. Et les autres suivront rapidement…

Comment tuer son équipe en 10 leçon: Leçon Nº7 : Les rabaisser en permanence

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À présent que votre équipe a commencé sa descente, il faut l’accélérer. Vous leur avez enfin mis la tête dans la fange, elle n’en doit plus sortir. Dans ce but, une méthode très simple consiste à éveiller chez eux toutes les émotions négatives et destructrices possibles, colère et dégoût en tête. Comme vous l'avez compris, c’est votre rôle principal en tant qu'anti-manager de générer ces émotions. Et pour cela une des pratiques phare de l'anti-management  consiste à jouer à outrance de la position de tyran absolu- et peu éclairé- et de les rabaisser en permanence afin d’attiser d'une part leur peur et leur soumission, mais aussi et surtout leur haine et leur frustration.
Voici quelques conseils pratiques :

1- Montrer qui est le maitre
Tout manager qui se respecte règne seul et sans contrainte. Il n’y a qu’ainsi que vous pourrez extraire définitivement de votre équipe tout son suc vital. Pour vous comporter de la sorte, différentes pratiques sont recommandées par l’anti-management :

Soyez maitre de la connaissance 
Il va de soi que vous avez la science infuse, il est donc logique de le faire rapidement comprendre à votre équipe et de renforcer votre autorité absolue par cet atout majeur. Vous ne prenez ici pas trop de risque puisque vous avez pris soin de choisir une équipe jeune et avec peu d’expérience dans votre domaine (cf Leçon N1). Sans trop les leur transmettre comme indiqué en leçon N6, étalez vos connaissances dès que l’occasion se présente, en particulier si cela vous permet de contredire ou d’humilier publiquement une personne de l’équipe. Montrez à cette occasion qu’ils vous sont grandement inférieurs et n’ont d’autre choix que de vous écouter. Et ne vous cantonnez pas aux connaissances techniques de votre métier que vous saurez faire valoir à souhait, profitez de la moindre opportunité pour donner des leçons de morales à vos collaborateurs. Expliquez leur avec dédain qu’ils ne connaissent rien à la vie ni au monde, qu’ils ne sont que des bleus, des naifs, des béni-oui-oui qui n’iront nulle part s’ils ne suivent pas vos conseils d’expert, justifiant ainsi qu’ils vous obéissent aveuglément-mais pas de bonne grâce.

Réprimez toute critique
Le corollaire du point précédent sera bien sûr un refus absolu et catégorique de toute forme de critique. Prenez le plus grand soin de ne jamais vous exposer à une critique qui ne puisse être immédiatement reportée sur quelqu’un d’autres, et utilisez votre autorité pour remettre à sa place le premier qui aurait l’audace de remettre en question vos jugements ou vos connaissances. En dernier recours, utilisez votre prétendue expérience comme argument définitif « ca fait 10 ans que je travaille dans ce domaine, donc je sais très bien de quoi je parle ». Arguant que vous êtes susceptible, ne laissez même pas la porte ouverte à la moindre plaisanterie qui pourrait faire allusion à une possible faiblesse de votre part. Vous n’avez aucune faiblesse, ce sont les autres qui sont faibles. Et l’humour est de toute façon mal-venu dans votre entourage, sauf s’il s’agit de se moquer méchamment d’un absent ou d’un ancien, ce dont vous vous priverez rarement. Par contre montrez-vous bien faussement intéressé par le feedback afin d’obtenir- par défaut, les critiques étant omises- les louanges que vous méritez. Vous prendrez évidemment bien soin de ne jamais les partager ni les rendre- ou alors de manière calculée comme présenté dans la leçon N 5. C’est un excellent moyen de générer une frustration écœurante, ingrédient nécessaire à la démotivation de votre équipe

Humiliez ceux qui résistent
Pour parfaire votre autorité absolue, vous aurez soin de punir publiquement et de manière disproportionnée les manquements à votre autorité. Vous pouvez pour cela utiliser la palette complète des armes à la disposition d’un anti-manager, en commençant par la simple douche de hurlement pour y ajouter milles petites humiliations comme les enlever des projets en vue, leur donner des tâches rébarbatives et leur faire recommencer trois fois leur travail. Si un des membres de l’équipe fait la forte tête et cherche plusieurs fois à vous contredire, passez à la vitesse supérieure et rappelez-le à l’ordre avec un avertissement pour insubordination, menaçant de le mettre à pied à la prochaine incartade. Si un autre ose vous répondre un peu sèchement lorsque vous lui faites un reproche-forcément justifié, donnez-lui un blâme pour manque de respect de la hiérarchie et faites le lui signer devant témoin. Et ajoutez-y une couche en les couvrant d’opprobre dès qu’ils sont absents.

Peu oseront se mesurer à votre autorité, tous en seront ulcérés. C’est bien l’effet recherché.


2- Les remettre à leur place
Il est capital d’entrée de jeu de poser les règles et le rôle de chacun. Si vous êtes un despote et eux vos servants, il faut vous comporter comme tel. Pour cela trois aspects sont clés :

Donnez-vous de l’importance
Il vous faut tout d’abord faire comprendre à votre équipe et au monde ce que vous valez. Pour commencer il ne vous sera pas difficile d’augmenter la valeur de votre expérience en narrant avec force détails les hauts faits de votre carrière que nul n’ira vérifier, de vous attribuer tout le mérite des projets auquel vous avez contribué en tant qu’assistant et d’y ajouter une liste déroutante de grands noms que vous direz compter parmi vos « amis » (il suffira pour acquérir ce titre que vous leur ayez un jour serré la main ou qu’ils aient travaillé dans le même département que vous). Il va de soi que vous trouverez toutes les raisons du monde pour ne pas « déranger » ces prétendus « amis » lorsque votre équipe trouverait judicieux d’en faire usage. Au-delà de votre passé, c’est votre attitude au quotidien qu’il faut travailler. Ayez un train de vie dispendieux (ce qui n’est pas incompatible avec une attitude incroyablement pingre quand il s’agit de dépenser de l’argent pour l’équipe), parlez de vos vacances à Megève ou une Nouvelle-Calédonie, exigez de ne voyager qu’en première classe au frais du client (tout en harcelant les compagnies aériennes qui vous aurait spoliées de quelques miles) et réservez des hôtels et des restaurants de grand luxe pour vous. Demandez toujours à parler au responsable et prétendez n’accepter les rendez-vous qu’avec les personnes au moins au même rang que vous- si possible les PDG.
Dans la même ligne d’action, refusez les clients qui ne vous payent pas largement au-dessus des prix du marché, répondant dédaigneusement que si d’autres sont prêts à payer le prix fort, vous ne leur ferez certainement pas de rabais. De même snobez les invitations à des tables-rondes si vous n’êtes pas payé plusieurs milliers d’euros pour faire partager votre expertise unique, et reprochez à votre équipe d’avoir ne serait-ce que suggéré que vous alliez y perdre votre temps.

Adressez-vous à eux comme à des valets
Rien de tel pour excéder les gens que de les remettre constamment à leur place. Vous avez parfaitement conscience de votre valeur et de celle- le plus souvent absente- des autres. Faites donc sentir régulièrement à votre équipe qu’ils sont d’un rang inférieur. Pour cela l’anti-management recommande d’adopter une attitude hautaine quand vous êtes en leur présence, surtout s’ils viennent vous demander un service ou solliciter une faveur, et de refuser régulièrement en leur rappelant la place et le rôle qui sont les leurs. Et d’une manière générale puisqu’ils sont vos subalternes adressez-vous à eux de manière très directive et sans jamais prendre de gants ni y mettre les formes, ménager leur affect ou leur ego n’a aucun intérêt. Au-delà e l’impératif qui sera votre mode usuel, faites grand usage du « je veux», « j’exige» et des qualificatifs de temps « immédiatement », « tout de suite ». Donnez-leur vos ordres comme s’il s’agissait de vos valets, d’un ton sec et abrupt, et au moindre manquement rabrouez-les sans plus de manières. Inutile donc de les remercier lorsqu’ils vous rendent un service ou accomplissent vos ordres, ils ont signé leur asservissement en entrant. Vous devriez ainsi réussir, après avoir brisé leur confiance en eux dans la leçon N6, à diminuer encore un peu leur amour-propre.

Méprisez le reste du monde
Et pour encore accroitre l’écart entre vous- les hautes sphères- et le reste de l’humanité- dont votre équipe-, il est recommandé de ne pas parler à la piétaille non productive qui gravite autour de vous (femme de ménage, chauffeur de taxi, serveurs, responsables de SAV ou autres être à peine plus importants que des animaux), sinon pour violemment s’en prendre à eux dès que l’occasion se présente, en demandant toujours d’abord à parler à leur responsable avant de leur donner toutes les raisons de regretter d’avoir été en face de vous. Les prestataires qui vous sont indispensables seront légèrement au-dessus sur l’échelle de vos valeurs mais se situeront encore souvent assez bas pour que vous puissiez déverser sans ménagement votre bile lorsqu’ils ne vous satisfont pas pleinement. Vous veillerez en contraste à être tout miel et tout sourire lorsque vous parlerez au client qui paye, tout en lui faisant bien comprendre que vous détenez la vérité et qu’il aurait tout intérêt à l’accepter d’office car vous n’hésiterez pas à le remettre à sa place s’il cherche à vous contredire- tout en accusant ensuite votre équipe d’être responsable de l’échec de la rencontre le cas échéant. De même si d’aventure vous y participez à une table ronde, soyez dogmatique et inflexible, montrant à tous les autres intervenants leur inutilité autour de la table- petite astuce efficace : oubliez le nom des autres intervenants quand vous parlez d’eux, rien de tel pour leur faire sentir combien ils sont insignifiants.





3- Déprécier leur travail

Dévalorisez leur poste
Rien n’est plus important dans l’anti-management que l’injuste répartition des tâches.
Si vous les avez attirés avec les promesses d’un travail riche et divers aux perspectives épanouissantes, sachez rapidement remettre les pendules à l’heure sur le contenu de leur poste. Toute tâche qui n’est pas digne de vous- c’est-à-dire tout ce qui demande du temps, de l’énergie ou de la réflexion, est de leur ressort. Il est clair que vous ne ferez rien qui vous ennuie. D’ailleurs,  autant que faire se peut vous ne produirez rien du tout, votre fonction d’anti-manager étant amplement suffisante à emplir vos journées. Les seules exceptions étant pour les tâches plaisantes comme aller déjeuner avec des prospects, vous pavaner dans des soirées de networking ou faire les présentations finales au client. Eux doivent produire, sans relâche et sans faute. Vous devez avoir en tête et leur rappeler régulièrement que ce n’est pas votre rôle mais le leur de rester tard le soir ou de faire toutes les tâches rébarbatives ou fastidieuses. Et que le manque d’intérêt de leur poste est la directe conséquence de leur absence de productivité- ajoutant une couche de culpabilité à leur stress. Qu’importe ce qu’ils avaient en tête en arrivant, vous leur payez un salaire conséquent, donc considérez et faites leur savoir que leur disponibilité absolue est un dû. Et pour encore rabaisser leur ego, demandez-leur d’ailleurs régulièrement de vous rendre des services avilissant comme vider votre poubelle, réparer vos ampoules, débarrasser vos plateaux-repas, préparer vos sacs etc, arguant une fois de plus que ce n’est pas à vous de faire cela. Leur estime d’eux même diminuera rapidement.

Discréditez leur production
Au-delà de leur fonction c’est bien entendu leur production qu’il faut dévaloriser. Comme expliqué dans les leçons précédentes, quoi que son équipe produise, ce ne sera jamais assez bien pour un bon anti-manager. Veillez donc à constamment critiquer, reprendre, corriger ce produisent. Tout travail présenté devant vous doit repartir pour être fortement amélioré. Lorsque vous ne voyez plus de fautes de fond « il est où le fil rouge ? Je ne comprends rien à ton rapport ! », attaquez-vous à la langue « on ne dit pas ça comme ça en anglais » ou à la forme « mais pourquoi tu as mis ce bleu ? ». Bien entendu faites en sorte que vos critiques soient aussi dévalorisantes que peu constructives « Nul », «Non, ce n’est pas ça du tout », « Inacceptable », afin de vous assurer de pouvoir les resservir au tour suivant- où vous aurez exigez qu’ils fassent « le mieux dont ils sont capables » pour encore leur montrer du doigt leur incapacité.  Pensez à augmenter en permanence les exigences pour vous assurer de toujours avoir à redire sur ce qu’ils font, en comparant avec ce que vous pourriez faire « en 10min je l’aurai terminé », mais ne ferez jamais «Ce n’est pas mon rôle ».  Faites régulièrement des reproches en public ou en haussant la voix pour que tous entendent votre ton exaspéré « c’est de la m*** ton travail ». Et à la moindre occasion corrigez aussi ce qu’ils disent, coupez-les dans leurs élans pour les reprendre « ce n’est pas le ton adapté », « ton message n’est pas clair » en leur faisant sentir à quel point ils sont mauvais même à l’oral. Vous serez ainsi certain d’avoir coupé toute possibilité de fierté ou de satisfaction de leur travail.


Attribuez-vous leur mérite
Et pour donner le coup de grâce, attribuez-vous tout leur mérite. En tant qu’anti-manager il est clair que tout ce qui a pu sortir de bon de votre équipe est de votre fait, il est donc normal de n’en pas partager le mérite avec eux. Pour cela, commencez par revendiquer la parentalité de toute leur production en faisant un usage excessif du pronom possessif : «je veux mon rapport », «tu as fini mes analyses ? »  « Ca fait une heure que tu es dessus, ou est ma présentation? Je la veux sur mon bureau dans 5min».  Et lorsqu’un client est satisfait de cette production, vous ne verrez aucune raison de changer de pronom. Autant que possible présentez vous-même le travail de votre équipe- vous savez trop bien qu’ils seraient incapables de présenter aussi bien que vous, faites-vous remercier pour le travail bien fait, faites-vous mousser sur les découvertes de votre équipe et si le client nomme directement un membre de votre équipe, expliquez que vous avez travaillé ensemble ou que vous lui avez directement dicté le contenu. Si vous signez un nouveau contrat, mettez en valeur vos qualités de négociation et non leur travail de préparation. Si on invite un membre de votre équipe à un évènement prestigieux pour y parler de son travail, exigez d’y aller avec lui ou à sa place. Dans la même logique si d’aventure un membre de votre équipe vous soumet une bonne idée, rejetez la immédiatement comme toute idée ne venant pas de vous mais arrivez le lendemain, radieux(se), en annonçant que vous avez eu une idée brillante ce matin sous la douche et que vous voudriez savoir ce que toute l’équipe en pense. Niez absolument avoir eu la conversation précédente avec son auteur réel. Rien de tel pour les mettre en rage.


Vous aurez ainsi éliminé la possibilité pour votre équipe de relever la tête, vous permettant d’augmenter encore un peu plus leur étouffement et leur souffrance, approchant à grand pas de leur destruction programmée.