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Une fois les bases d’une supposée confiance établies
–voir leçon précédente- un deuxième aspect permettant de pérenniser son
autorité est sans nul doute le type de relation que vous allez instaurer avec
votre équipe. Et sur ce sujet tous les anti-managers concordent : il est
impératif d’assurer que toute interaction sera de l’ordre du parent-enfant et jamais
de l’adulte-adulte. L’anti-management ayant pour postulat de base votre
supériorité naturelle sur l’équipe et une distance humaine aussi grande que
possible entre vous et chacun de ses membres, chercher à avoir des relations
d’adulte avec eux n’a aucun sens, et l’éviter devra être votre priorité. Notez bien que dans le
terme « parent-enfant », l’ordre n’est pas spécifié, vous laissant
donc le choix de prendre successivement l’un ou l’autre des rôles, pourvu que
jamais vous n’arriviez à l’équilibre qui déstabiliserait irrémédiablement votre
assise.
Pour instaurer ce type de relation, quelques règles d'anti-management simples:
1- Les prendre au berceau :
Il va de soi que plus la différence d’âge entre
l’anti-manager et son équipe est importante et plus il ou elle aura de facilité
à instaurer une relation de type parentale avec eux. Il est donc préférable de
choisir une équipe ayant au moins 15 ans d’écart avec vous et moins de 5 ans d’expérience
professionnelle, autant que possible dans un domaine autre que le vôtre.
Le premier point vous permet à la fois de valoriser vos
années d’expérience supplémentaires comme un argument indéniable au soutien de
vos paroles, choix et actions, vous prémunissant ainsi d’une remise en question
stérile puisque vous avez de toute façon raison, et d’être associé dans leur
inconscient au « parent » en termes de génération, et au respect qui
l’accompagne.
Le second point vous donne le rôle naturel de mentor,
puisqu’ils ont besoin de vous pour comprendre non seulement comment
fonctionnent le domaine dans lequel vous évoluez et vos méthodes propres, mais
également pour comprendre les règles d’un monde qu’ils n’ont pas ou peu côtoyé.
L’anti-management insiste fortement sur le nombre limité d’années d’expérience
antérieures : en étant celui ou celle qui leur livre les clés du monde du
travail « en général » et en
n’épargnant pas les leçons de morales et anecdotes- vraies ou fausses-
corroborant vos actes, vous vous placez en véritable père ou mère spirituel qui
va définir leur vision du monde du travail, vous laissant ainsi champ libre
pour y instiller les valeurs et les règles qui vous servent. Moins ils ont de
comparaison- ils pourraient avoir connu auparavant un piètre anti-manager leur
donnant l’illusion qu’il était possible de s’épanouir au travail- mieux votre
équipe se comportera.
2- Les infantiliser :
Subtilement puis de plus en plus ouvertement, votre rôle
d’anti-manager va être de leur donner le rôle de l’enfant en prenant celui du
parent. Pour cela trois méthodes éprouvées :
Adressez vous à eux comme à des enfants :
Adoptez tour à tour un ton patient et pédagogue lorsque
vous leur expliquez quelque chose la première fois- sans être vraiment
bienveillant et surtout sans leur donner de perspective sur la tâche et son
contexte, c’est inutile à leur niveau- puis moralisateur et docte lorsqu’ils ne
comprennent pas, enfin un ton sévère et plein de reproche lorsqu’ils font une
erreur. Utilisez également le vocabulaire adapté, du « c’est bien, tu
progresses» (au tout début), à « mais pourquoi tu as fait
ça ? Enfin je ne comprends vraiment pas, je t’ai pourtant expliqué
cela plusieurs fois ! » en terminant par « alors là ça ne va pas
du tout, je suis très en colère, ce que tu m’as rendu est vraiment nul ». Ajoutez
à cela l’attitude et le visage de circonstance, en jouant sur la gamme qui va
du sourire condescendant au rictus ironique et aux sourcils froncés. Chacun de
ces éléments les replongera immédiatement dans les affres de leur enfance, vous
associant inconsciemment à leur père ou leur instituteur trop sévère, leur mère
ou leur grand-mère trop exigeante, et vous serez alors à même d’obtenir d’eux
ce qu’ils cherchaient désespérément à offrir à ces figures d’autorité :
prouver leur valeur pour recevoir de l’amour ou de la reconnaissance.
Jouez de la récompense et de la punition:
Mettez leur dès
le début en tête qu’ils obtiendront votre reconnaissance et une récompense pour
leurs produits finis de qualité parfaite (veillez à placer la barre extrêmement
haut, bien au-delà des exigences que vous vous appliqueriez à vous-même) et dans
les premiers temps, suggérez comment vous pourriez les gâter au moindre
succès : invitez les dans de grands restaurants lors de leur arrivée, payez
le champagne pour célébrer la première étape franchie avec succès, laissez les
partir plus tôt « pour un repos bien mérité » après les premières
nocturnes enchainées, etc, toujours en appuyant le fait que votre satisfaction
dépend de leur production mais sans précisément fixer les règles de cette
satisfaction- vous laissant ainsi le luxe de l’ajuster régulièrement vers le
haut.
Dès que vous sentez un certain relâchement dans la
recherche perpétuelle de cette perfection-s’ils font moins de nocturnes, ne travaillent
pas le week end etc- changez de discours et passez à la menace. Comme le père
secoue sa main devant ses enfants désobéissants en annonçant la gifle, usez de
votre autorité pour leur faire sentir que vous avez le pouvoir de nuire s’ils
ne filent pas doux, «si vous n’êtes pas capable de tenir vos délais, je vais
prendre des mesures ! ».
Mettez bien entendu vos menaces à exécution en prenant
des mesures infantilisantes, comme soumettre votre équipe à une interrogation
écrite le lundi matin pour vérifier qu’ils ont bien lu les documents
distribués, exiger d’eux qu’ils fassent à la main chaque graph qu’excel
pourrait sortir en quelques clics, s’asseoir à côté d’eux et regarder comment
ils travaillent etc. Ce genre de punition dissuadera rapidement toute tentative
de résistance tout en augmentant votre pouvoir de nuisance.
Grondez-les pour la moindre bêtise:
A la moindre occasion, que votre exigence en constante
croissance fournira rapidement, faites-leur sentir qu’ils ont fait une bêtise
et grondez-les. Soyez subtil là aussi, il faut au départ pour maintenir l’illusion
de votre confiance et de votre magnanimité accepter une ou deux petites erreurs
que vous allez simplement corriger sur un ton ferme et légèrement impatient,
mais sans vous emporter. Par contre assez rapidement trouvez une occasion de
sortir de vos gonds et de les réprimander violemment, si possible devant témoin
pour accentuer l’effet. Sans leur expliquer précisément leur faute-ils sauront
bien trouver en eux-mêmes une faiblesse qui pourrait mériter ces réprimandes, faites
leur comprendre qu’ils ont très mal agi, qu’ils vous ont déçu et qu’ils ont
énormément baissé dans votre estime, ôtant ainsi toute possibilité de
reconnaissance de votre part sans rédemption profonde. Vous pourrez au choix
utiliser un ton glacial et coupant, lacérant méthodiquement leur travail et
leur ego en leur faisant bien sentir qu’ils n’ont rien compris à la vie et que
vous leur faite un cadeau de les remettre sur les rails en leur parlant ainsi,
ou un ton emporté et direct, giflant sans ménagement leur amour-propre et leur
sensibilité sans leur laisser la moindre chance de se défendre. Il va de soi
qu’il ne s’agit pas de leur permettre de se justifier, prenez donc soin de ne
pas les laisser s’exprimer. Jouez seulement sur la corde de la peur et de l’amour
propre en leur faisant sentir qu’ils ne valent plus rien à vos yeux- vous le
seul juge qu’ils estiment impartial dans leur
travail. S’ils pleurent tant mieux, mais ne leur laissez pas le plaisir
d’exprimer leur émotion devant vous-ce qui est une forme de communication et de
défense. Enfoncez le clou de leur faiblesse en leur demandant de ne pas pleurer
devant vous. Par contre lorsque vous les abandonnez au fond du gouffre, il est
impératif pour l’anti-manager de revenir rapidement à la normale, en souriant
et en étant d’humeur égale, montrant bien que vous avez un parfait contrôle de
vos émotions quand eux en sont incapables. Et qu’ils peuvent reprendre le
travail avec vous immédiatement comme si de rien n’était. Leur rancœur et leur
colère, étouffée, ne pourra donc que se tourner vers eux-mêmes dans une
dynamique d’autodestruction sur laquelle nous ne saurions trop insister.
3- Jouer l’enfant terrible :
S’il se présente des occasions où le rapport de force avec
votre équipe pourrait s’égaliser- comme une erreur que vous auriez commise et
qu’ils auraient détectée ou une période sans trop de fautes importantes de leur
part, un bon anti-manager doit pouvoir sans hésitation endosser le rôle de
l’enfant. Quelques suggestions pour y parvenir efficacement :
Faites des caprices:
Donnez leur des ordres irrationnels et implacables pour
les pousser à bout dans leur travail : demandez par exemple de modifier un
document puis, en cas d’erreur de votre part et plutôt que de l’admettre,
prétendez avoir changé d’avis « finalement reviens à la version précédente,
c’était mieux, mais ajoutes aussi ceci et cela » et, pour ne pas leur
laisser la possibilité de réfléchir à votre responsabilité, reprochez-leur leur
manque d’efficacité à cette occasion « ce document aurait dû te prendre
deux heures, quand auras tu fini ?». Lorsqu’ils sont mûrs, ce genre de
comportement irrationnel ne pourra que les affaiblir davantage.
Boudez:
Si vous avez la moindre raison de craindre une
discussion sérieuse avec un membre de l’équipe suite à un accrochage, boudez.
Restez dans votre bureau en refusant tout dialogue, renvoyez-le s’il frappe et
ne répondez pas à ses mails sauf pour exiger le travail qu’il vous doit. Il
finira par se lasser ou par vous donner une raison de le gronder et donc de
remettre le dialogue dans le bon contexte.
Piquez des crises:
En désespoir de cause, lorsque vos efforts
d’anti-management se sont légèrement relâchés et que vous sentez un vent de
remise en question de votre autorité, piquez des crises de rage démesurées. Au
moindre pas de travers d’un membre de l’équipe- un document pas imprimé pour
une réunion, une faute de traduction etc, évitez à tout prix toute discussion
constructive : au contraire, hurlez sur toute l’équipe quelques phrases
irrationnelles et blessantes, prenant à parti la personne initialement
responsable «Y en a un je ne sais pas à quoi je le paye, vous êtes tous
nuls, j’en ai marre, je vais tous vous virer! » avant de sortir en
claquant la porte. Revenez comme si de rien n’était quelques minutes plus tard.
La personne ayant involontairement déclenché ce cataclysme s’en remettra
difficilement, les autres ne sauront plus à quoi s’en tenir.
Ce caractère imprévisible de vos relations vous assure un
ascendant majeur sur eux puisqu’ils feront tout ce que vous exigez pourvu que
cela prévienne une nouvelle « crise ». Et amène un dérèglement
émotionnel des membres de votre équipe lié
au stress inhérent à cette situation, terreau fertile à leur élimination
programmée, à laquelle vous allez pouvoir vous consacrer.